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2598. — MADAME DENIS
à frédéric II roi de prusse[1].
À Francfort, le 25 juin.

Sire, j’ignore si mes très-humbles requêtes sont parvenues aux pieds de Votre Majesté.

J’ai eu l’honneur de lui mander avec quelle violence j’ai été traînée à pied dans la rue le 20 au soir par le sieur Dorn, notaire impérial, qui sert de secrétaire au sieur Freytag, votre résident ; qu’on m’a ôté mes domestiques, ma femme de chambre ; que le sieur Dorn a eu l’insolence de passer la nuit seul dans ma chambre.

Le 21, à deux heures après midi, le sieur Freytag m’a fait dire que je pouvais voir mon oncle ; on m’y a conduit avec des soldats. Le sieur Freytag est venu à trois heures avec le sieur SchmidL nous promettre que nous serions libres si nous lui rendions ses deux billets conçus en ces termes :

« Monsieur, sitôt le grand ballot où se trouve l’Œuvre de poésie du roi, sera ici, et l’Œuvre de poésie rendu à moi, vous pourrez partir où bon vous semblera.

À Francfort, 1er juin.
Freytag, résident. »

Nous avons rendu les billets en présence de nos gens. On a ouvert la caisse, on a pris le livre, on nous a promis notre liberté, et je demeure en prison.

Le 22, le sieur Dorn est venu nous faire signer le modèle d’une requête à MM. Freytag et schmidt, nous promettant que nous serions élargis sur-le-champ ; un jeune homme que mon oncle a amené de Potsdam a traduit cette requête, mon oncle l’a signée, et je reste prisonnière avec mon oncle. On nous demande 128 écus par jour pour notre détention.

Le 23, Dorn est revenu me dire que si je voulais retourner en France, je le pouvais ; mais que si je voulais rester avec mon oncle, je serais prisonnière comme lui.

Je lui ai fait demander par le jeune homme de Potsdam pourquoi j’étais prisonnière ; il m’a répondu que c’était pour avoir excusé mon oncle chez le bourgmestre.

Sire, je jure à Votre Majesté que mon oncle ne partait que sur la foi des promesses du sieur Freytag, qu’il n’a jamais donné sa parole qu’il dût rester après le retour du livre. Il partait avec tant de bonne foi qu’il laissait sa

    Voltaire, la résolution gracieuse qu’aussitôt que Voltaire aura fourni sa lettre reversale, il pourra continuer son voyage. Vous n’aurez plus de motif pour le retenir plus longtemps. Les objets qu’il vous a délivrés, je veux qu’on les expédie par le premier courrier. Je suis votre bien affectionné

    Frdch.

    Ordre au baron de Freytag de laisser partir Voltaire.

  1. Éditeur, Th. Froisset.