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présent à mon oncle un nouveau billet par lequel il répondra que nous resterons prisonniers ; et comment peut-on demander ce billet quand nous avons encore des soldats ? On nous persécute de toutes les manières, et nous taisons tout ce que nous souffrons. Nous ne pouvons croire que ce soit l’intention de Votre Majesté de nous traiter ainsi. Nous attendons tout d’elle, Nous nous jetons à vos pieds, nous implorons votre miséricorde.

Je n’ai pu écrire de ma main. Votre Majesté croira sans peine l’effet qu’un malheur si imprévu a pu faire sur une femme déjà fatiguée d’avoir couru deux cents lieues pour remplir les devoirs de la nature et de l’amitié. Je suis avec un profond respect, sire, de Votre Majesté la très-humble et très-obéissante servante.


Denis.

2588. — À MADAME LA MARGRAVE DE BAIREUTH[1].
À Francfort, 29 (lisez 21) juin.

Je prends la liberté de supplier instamment Son Altesse royale de daigner seulement faire parvenir à sa Majesté cette requête[2]. Nous n’avons d’espérance que dans sa protection. L’état cruel où je suis est mon excuse si je ne peux écrire que ce peu de lignes trempées de mes larmes.

Je me mets à vos pieds.


Voltaire.

2589. — DE MADAME DENIS À FRÉDÉRIC II[3].
(21 juin.)

À Sa Majesté le roi de Prusse.

La dame Denis, veuve d’un officier du régiment de Champagne, au service de Sa Majesté très-chrétienne, implore la justice de Sa Majesté.

La dame Denis ayant fait le voyage de Paris à Francfort-sur-Mein, avec la permission du roi de France, son maître, pour conduire aux eaux de Plombières son oncle, attaqué d’une maladie mortelle, a été arrêtée à Francfort le 20 juin, sur les dix heures du soir, par le sieur Dorn, secrétaire du sieur Freytag (sic), résident de Sa Majesté le roi de Prusse, dans l’auberge du Lion-d’Or, conduite à pied à travers la populace. On lui a ôté sa femme de chambre, ses laquais ; on a mis quatre soldats à sa porte, et le sieur Dorn a eu l’insolence de rester seul dans sa chambre pendant toute la nuit. Elle est encore prisonnière, et a été deux jours dans un état où l’on désespérait de sa vie.

  1. Revue française. 1er mars 1866 ; tome XIII, page 348.
  2. Probablement la lettre 2589.
  3. Éditeur, Th. Foisset.