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ducs de Normandie, manuscrite, doit être de la fin du xie siècle, aussi bien que celle de Guillaume au court nez. Ces livres ne peuvent manquer de donner des lumières sur ce point, qui, quoique frivole en lui-même, devient important dans un dictionnaire. On verra si ces premiers romans se servent encore du mot franc, ou s’ils adoptent celui de français.

En vérité, ils n’y a que les gens qui sont à Paris qui puissent travailler avec succès au Dictionnaire encyclopédique ; cependant, quand je serai de retour à ma maison de campagne, près de Genève, je travaillerai de toutes mes forces à Histoire.

Je ne doute pas que M. de Montesquieu n’ait profilé, à l’article Goût[1], de l’excellente dissertation qu’Addison a insérée dans le Spectateur, et qu’il n’ait fait voir que le goût consiste à discerner, par un sentiment prompt, l’excellent, le bon, le mauvais, le médiocre, souvent mis l’un auprès de l’autre dans une même page. On en trouve mille exemples dans les meilleurs auteurs, surtout dans les auteurs de génie, comme Corneille.

À propos de goût et de génie, l’Èloge de M. de Montesquieu, par M. d’Alembert, est un ouvrage admirable ; il y a confondu les ennemis du genre humain.


Mille sincères et tendres compliments à M. d’Alembert, à M. Diderot, et à tous les encyclopédistes.


3120. — À MADAME LA MARGRAVE DE BAIREUTH[2].
À Monrion, près de Lausanne, 17 février 1756.

Madame, vous êtes de ces divinités qui ne sont faites que pour répandre des grâces. On dit de Dieu qu’il ne fait point le mal, mais qu’il le permet. Mme la princesse de Nassau-Sarrebruck a envoyé à Paris certain ouvrage sur la religion naturelle, et je peux jurer à Votre Altesse royale que je n’en avais jamais donné de copie qu’à vous seule. Le roi votre frère ne s’est jamais dessaisi de l’original. C’était un poëme très-informe. Je l’ai beaucoup corrigé depuis, et voici comme il commence :

  1. D’Alembert et Jaucourt ayant engagé Montesquieu à travailler à l’Encyclopédie, ce fut pour ce dictionnaire que l’auteur de l’Esprit des lois composa l’Essai sur le Goût, opuscule auquel la mort l’empècha de mettre la dernière main. — La section première de l’article Goût, du Dictionnaire philosophique, parut dans le tome VII de l’Encyclopédie. (Cl.)
  2. Revue française, mars 1866 ; tome XIII, page 355.