Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/553

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3109. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Février.

Mon cher ange, si ceci[1] n’est pas une tragédie, ce sont au moins des vers tragiques. Je vous demande en grâce de me mander s’ils sont orthodoxes : je les crois tels ; mais j’ai peur d’être un mauvais théologien. Il court sous mon nom je ne sais quelle pièce sur le même sujet. Il serait bon que mon vrai sermon fit tomber celui qu’on m’impute. Je vous demande en grâce d’éplucher mon prêche. Le Tout est bien me paraît ridicule quand le mal est sur terre et sur mer. Si vous voulez que tout soit bien pour moi, écrivez-moi.

Je vous demande pardon, mon cher ange, de vous envoyer tant de vers, et point de nouvelle tragédie ; mais j’imagine que vous serez bien aise de voir les belles choses[2] que fait le roi de Prusse. Il m’a envoyé toute la tragédie de Mèrope mise par lui en opéra. Permettez que je vous donne les prémices de son travail ; je m’intéresse toujours à sa gloire. Vous pourriez confier ce morceau à Thieriot, qui en chargera sans doute sa mémoire, et que sera une des trompettes de la renommée de ce grand homme. Je ne doute pas que le roi de Prusse n’ait fait de très-beaux vers pour le duc de Nivernais ; mais, jusqu’à présent, on ne connaît que son traité[3] en prose avec les Anglais.

Mille respects à tous les anges.


3110. — À M.  DE CHENEVIÈRES[4].
Monrion, le 1er février.

Je vous suis bien obligé, mon ami, de la pièce en prose que vous avez bien voulu m’envoyer. Les vers qu’on a la sottise de m’attribuer sur le désastre de Lisbonne ne sont assurément pas de moi : si j’en faisais, ils seraient respectueux pour la Divinité et pleins de sensibilité pour les malheurs des hommes : il n’y a que de jeunes fous qui puissent penser autrement.

On aura dû être bien surpris à la cour du traité de l’Angle-

  1. Poëme sur le désastre de Lisbonne.
  2. Ironie. Voltaire se moque de l’opéra de Mérope, à la fin de sa lettre du 26 du même mois de février, à d’Argental.
  3. Du 16 janvier 1756.
  4. Éditeurs, de Cayrol et François.