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aisément par ma lettre ci-jointe à l’Académie française. Je vous prie de faire imprimer cette lettre dans les journaux d’Allemagne, et de vouloir bien aussi faire insérer dans les gazettes le désaveu que je joins ici dans un petit papier. Vous obligerez un homme qui fera toujours profession d’être votre serviteur et votre ami.

Voltaire.

3094. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
À Monrion, près de Lausanne, 1er janvier 1756.

Madame, j’allais souhaiter la bonne année à Votre Altesse sérénissime et à toute son auguste famille, avec la simplicité d’un bon Suisse, tel que j’ai l’honneur de l’être. Je reçois dans le moment la lettre dont Votre Altesse sérénissime daigne m’honorer. Elle me parle de Lisbonne ; elle m’avait auparavant envoyé une Ode sur la Mort ; je suis tenté, madame, de vous croire dévote, et cela m’encourage à vous envoyer un sermon[2]. Votre Altesse sérénissime y trouvera peut-être encore un peu de philosophie ; mais je vous supplie de considérer qu’on ne peut se défaire tout d’un coup de ses mauvaises habitudes. J’étais fâché contre les tremblements de terre quand je fis cette homélie.

Nous autres Suisses, nous n’avons pas été engloutis le 9 décembre, à quelques lieues de Lausanne. Je passe mon quartier d’hiver auprès de Lausanne, dans un petit ermitage tel que celui où je me suis retiré l’été, auprès de Genève. Je partage ainsi mes hommages entre deux républiques paisibles, dans le temps que les grands royaumes sont près de se couper la gorge et de se faire une guerre plus cruelle qu’un tremblement de terre ne peut l’être. Le roi de Prusse cependant m’a fait écrire, par l’abbé de Prades, qu’il travaillait pacifiquement à mettre en opéra ma tragédie de Mèrope. De telles occupations me plaisent plus que ses procédés guerriers à Francfort. À propos de la guerre, madame, on s’est avisé d’imprimer sous mon nom une Histoire de la Guerre de 1741. Ce n’est pas là certainement mon ouvrage ; il s’en faut beaucoup. Je suis en tout temps la victime des libraires et de La Beaumelle ; mais les bontés dont Votre Altesse sérénissime m’honore me consolent de tout. Je la supplie de me

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. Un manuscrit incomplet du Poëme sur la destruction de Lisbonne est joint à cette lettre. En marge on lit le mot secret. (A. F.)