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et d’avoir été privé, par ma mauvaise santé, du plaisir de vous faire ma cour, aussi bien qu’à Mme  Le Brault. Je crois que les cent bouteilles de vin de Bourgogne que vous voulez bien m’envoyer valent mieux que la casse et la manne du docteur Tronchin.

J’avais prié, en effet, le Tronchin qui n’est que conseiller d’État, et point médecin, de m’accorder sa protection auprès de vous. Je vois, monsieur, qu’il a réussi : je vous en remercie de tout mon cœur. Je voudrais bien que votre bon vin me donnât assez de force pour venir en Bourgogne : je l’avais déjà promis à monsieur le premier président[1] et à M.  le président de Ruffey ; vous y ajoutez un nouveau motif.

J’ai l’honneur d’être avec bien du respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

Voltaire.

3083. — À M.  TRONCHIN, DE LYON[2].
Monrion, 17 décembre 1755.

Les cent mille hommes péris à Lisbonne sont déjà réduits à vingt-cinq mille. Ils le seront bientôt à dix ou douze. Il n’y a que les négociants qui connaissent leurs pertes au juste, parce qu’ils savent le compte de leurs effets, et les rois ne savent jamais le compte de leurs hommes. Je suis bien étonné de la perte de vingt millions vers Orange et Arles. Tout le pays ne vaut pas cela, mais on exagère toutes les pertes. Que dites-vous du départ du grand docteur Tronchin ? Il m’est venu voir, et ne m’a pas dit où il allait. Je crois l’avoir deviné. Je crois avoir deviné aussi qu’on se moque du révérend jésuite Saci ou Sassi, tout Polonais qu’il est. Messieurs de Cadix se moquent encore plus de moi.

    Mandar-Grancey ; Paris, librairie académique Didier et Cie, 1868. — Le Bault (Antoine-Jean-Gabriel), reçu conseiller au parlement de Bourgogne le 28 avril 1778, fut nommé président à bonnet en 1771. Il était de l’Académie de Dijon en 1767. Ses relations avec Voltaire paraissent dater de 1755.

  1. Claude-Philippe Fyot de La Marche, à qui sont adressées les cinq premières lettres de la Correspondance.
  2. Revue suisse, 1855, page 403.