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vois que catins dans cette histoire ; elles se rencontrent partout, de quelque côté qu’on se tourne. Il faut bien prendre patience.

Avez-vous toute l’Histoire d’Ottiori[1] ? En ce cas, voulez-vous vous en défaire en ma faveur ? Si vous avez quelques bons livres anglais et italiens, ayez la bonté de m’en faire un petit catalogue. Je vous demanderai la préférence pour les livres dont j’aurai besoin, et vous serez payé sur-le-champ. Adieu, mon ancien ami.


3055. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
8 novembre.

Mon cher ange, je suis toujours pénétré de vos bontés pour les Chinois. Vous devez avoir reçu deux exemplaires un peu corrigés, mais non autant que vous et moi le voudrions. J’ai dérobé quelques moments à mes travaux historiques, à mes maladies, à mes chagrins, pour faire cette petite besogne. La malignité qu’on a eue de placer M. de Thibouville dans cet impertinent manuscrit qui court, et de lui montrer cette infamie, m’a mis au désespoir. Il est vrai qu’on l’a mis en grande compagnie. Les polissons qui défigurent et qui vendent l’ouvrage n’épargnent personne ; ils fourrent tout le monde dans leurs caquets. Je me flatte que vous ferez avec de M. de Thibouville votre ministère d’ange consolateur.

J’ai vu, pendant neuf jours, vos deux pèlerins d’Emmaüs. C’est véritablement une neuvaine qu’ils ont faite. Ils m’ont paru avoir beaucoup d’esprit et de goût, et je crois qu’ils feront de bonnes choses. Pour moi, mon cher ange, je suis réduit à planter. J’achève cette maudite Histoire générale, qui est un vaste tableau faisant peu d’honneur au genre humain. Plus j’envisage tout ce qui s’est passé sur la terre, plus je serais content de ma retraite, si elle n’était pas si éloignée de vous. Si Mme  d’Argental a si longtemps mal au pied, il faut que M. de Châteaubrun lui dédie son Philoctète[2] ; mais ce pied m’alarme. Je reçois, dans ce moment, une Ode sur la Mort, intitulée De main de maitre[3] ; elle m’arrive d’Allemagne, et il y a des vers pour moi. Tout cela

  1. Voyez la note, tome XV, page 104.
  2. Joué, pour la première fois, le 1er mars 1755.
  3. Cette ode de Frédéric II à Voltaire commence ainsi :

    Soutien du goût, des arts, de l’éloquence,
    Fils d’Apollon, Homère de la France…