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Si j’avais pu trouver quelque séjour agréable dans votre pays, vous savez bien que je me serais fait un plaisir infini de vous aider et de tout diriger ; mais ma santé ne m’a pas permis de m’établir dans votre climat. Partout où je serai, je vous rendrai tous les services dont je serai capable. Si je peux vous envoyer par la poste quelque chose qui m’est tombé entre les mains, et qui vous donnerait un grand profit, je vous ferai ce plaisir sur-le-champ ; mais, comme c’est un ouvrage qui n’est pas de moi, et de l’orthodoxie duquel je ne réponds pas, je ne vous le ferai parvenir qu’en cas que vous puissiez agir discrètement et sans imprimer cette pièce sous votre nom,



3051. — DE M. DE SAINT-SAUVEUR.
Ministre du roi à la haye.
À M. Berryer.


Amsterdam, 6 novembre 1755.

Voici enfin le poëme de la Pucelle d’Orléans, non celui que l’on prétend que L. B. fait imprimer, mais celui que le sieur Marc-Michel Rey annonce dans son Journal des savants du mois d’octobre, ainsi que vous le verrez par le cahier détaché que je joins ici, et que l’on croit imprimé à Francfort, (quoique supposé à Louvain. Je suis sûr que c’est le premier exemplaire qui a été distribué ici, et je me félicite d’être venu à bout de me le procurer, par le désir extrême que j’avais de vous satisfaire sur cet article.

Si, comme on me l’a encore assuré ce matin, L. B. en fait une édition, il doit être très-mortifié pour son intérêt d’avoir été prévenu ; mais, comme ennemi de V., il doit être bien content de voir, par la publicité de cet ouvrage, son auteur devenir encore plus odieux. Voilà du moins comme il doit penser, puisque ç’a dû être le premier mobile de l’idée qui lui est venue de faire imprimer cet ouvrage.

Mais il serait bien singulier que ce fût V. lui-même qui eût fait faire cette première édition à la hâte[1], sur l’avis secret qu’il aurait eu de celle que L. B. prépare, pour le frustrer par là du bénéfice que L. B. attend de son édition, et plus singulier encore qu’il eût tronqué ou mitigé l’édition qui paraît, à dessein de préparer le désaveu de celle à laquelle L. B. travaille, soit dans la crainte que cette pièce ne paraisse trop grave, si elle est rendue fidèlement d’après le manuscrit, soit par l’appréhension qu’il a que L. B. n’y ajoute du sien pour rendre l’ouvrage encore plus odieux. Ce qui m’induisait à le croire ainsi (et je ne suis pas le seul) est que quelqu’un qui prétend avoir connaissance de l’ouvrage que L. B. fait imprimer, et qu’il n’a point voulu nommer, a dit à mon libraire que cet ouvrage est beaucoup

  1. La quantité de fautes dont elle est remplie semble annoncer la précipitation avec laquelle elle a été exécutée. (Note de Saint-Sauveur.)