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quitter mon asile, qui m’a déjà coûté plus de quarante mille écus. Mme Denis se meurt de douleur, et moi de la colique.

J’écris un mot[1] à Mme de Pompadour, au sujet des cinq pagodes que vous lui faites tenir de ma part.

Je me flatte qu’elle ne trouvera rien dans la pièce qui ne plaise aux honnêtes gens, et qui ne déplaise à Crébillon. Je me flatte que, si elle l’approuve, elle sera jouée malgré le radoteur Lycophron. Adieu, mon très-cher ange, qui me consolez.


2983. — À MADAME DE FONTAINE.
13 août.

Ma chère nièce, vous êtes charmante. Vous courez, avec votre mauvaise santé, aux Invalides pour des Chinois. Tout Pékin est à vos pieds. Je me flatte qu’on jouera la pièce telle que je l’ai faite, et qu’on n’y changera pas un mot. J’aime infiniment mieux la savoir supprimée qu’altérée.

Les scélérats d’Europe[2] me font plus de peine que les héros de la Chine[3]. Un fripon, nommé Grasset, que M, d’Argental m’avait heureusement indiqué, est venu ici pour imprimer un détestable ouvrage, sous le même titre que celui auquel je travaillai il y a trente ans, et que vous avez entre les mains. Vous savez que cet ouvrage de jeunesse n’est qu’une gaieté très-innocente. Deux fripons de Paris, qui en ont eu des fragments, ont rempli les vides comme ils ont pu, contre tout ce qu’il y a de plus respectable et de plus sacré. Grasset, leur émissaire, est venu m’offrir le manuscrit pour cinquante louis d’or, et m’en a donné un échantillon aussi absurde que scandaleux. Ce sont des sottises des halles, mais qui font dresser les cheveux sur la tête. Je courus sur-le-champ de ma campagne à la ville, et, aidé du résident de France, je déférai le coquin ; il fut mis en prison, et banni, son bel échantillon lacéré et brûlé, et le Conseil m’a écrit pour me remercier de ma dénonciation. Voilà comme il faudrait partout traiter les calomniateurs. Je ne les crains point ici ; je ne les crains qu’en France.

Il me semble, ma chère nièce, que vous n’avez pas votre part entière, et M. d’Argental a encore trois guenilles pour vous[4]. Je

  1. Cette lettre manque.
  2. Tout ce qui suit figurait dans l’ancienne lettre du 23 mai, et, sauf deux paragraphes, était reproduit encore dans celle-ci. Voyez une note de la lettre 2918.
  3. Les Eroe cinese de Métastase, traduits par Richelet.
  4. Trois chants de la Pucelle. Elle n’en avait eu que douze par Thieriot.