Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

14° Tout le conseil de Genève a approuvé unanimement ma conduite, et m’a fait l’honneur de m’écrire en conséquence.

15° M. de Montolieu n’a autre chose à faire qu’à détester le jour où il a connu Maubert, lequel Maubert, tout savant qu’il est, s’est avisé de placer le portrait de Calvin dans un poësie qui a pour époque le xive siècle ; lequel Maubert, enfin, est le plus scélérat renégat que la Normandie ait produit.

Que d’horreurs pour m’escroquer cinquante louis ! En voilà beaucoup, mon cher monsieur ; je commence à croire que Rousseau pourrait avoir raison, et qu’il y a des gens que les belles-lettres rendent encore plus méchants qu’ils n’étaient ; mais cela ne regarde que les ex-capucins. Maubert est ici aussi connu qu’à Lausanne ; mais la justice n’a pu le punir, puisqu’il a montré qu’il était l’agent d’un autre.

Adieu, mon cher ami ; je suis las de dicter des choses si tristes[1].

Somme totale, qu’y a-t-il à faire maintenant ? Rien. Puisse M. de Montolieu jeter au feu son damnable manuscrit, faire pendre Maubert s’il le rencontre, l’oublier s’il ne le rencontre pas, et n’avoir jamais de commerce avec lui !

Adieu ; Mme  Denis et moi, nous sommes malades ; nous viendrons à Monrion quand nous pourrons ; nous vous embrassons tendrement.


2981. — À M. TRONCHIN, DE LYON[2].
Le 13 août 1755.

Si monseigneur le cardinal est instruit de la calomnie, n’est-il pas juste qu’il le soit de ma conduite ? C’est ce que j’ai laissé à votre prudence et à votre amitié, suivant le temps et l’occasion. Si le malheur incroyable que l’abbé Pernetti m’a fait craindre m’arrivait en effet, en ce cas vous auriez toujours la bonté de me faire tenir mon bien en quelque endroit que je fusse, à mesure qu’il vous rentrerait et que j’aurais des besoins nouveaux. Mais j’espère que nous n’en serons pas réduits à cette extrémité si funeste et si peu méritée. Je ne demande qu’à finir mes jours en paix dans l’agréable retraite que votre esprit noble et conciliant m’a procurée.

Les belles-lettres ne servent qu’à empoisonner la vie, et il n’y

  1. Ce qui suit est de la main de Voltaire. (Cl.)
  2. Revue suisse, 1855, page 281.