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a un grand succès, et s’il y a quelques profits à faire ? Il serait bien doux de pouvoir se convertir sur cette lecture, et de devoir son salut à l’auteur. Adieu, mon cher et respectable ami, je vous dois ma consolation en ce monde.

Je dois vous mander que M. de Paulmy et M. de La Valette[1], intendant de Bourgogne, ont pleuré tous deux à notre Orphelin. M. de Paulmy n’a pas mal lu le quatrième acte. Nous le jouerons dans ma cabane des Délices : nous y bâtissons un petit théâtre de marionnettes, Genève aura la comédie, malgré Calvin. J’ai envoyé à M. le maréchal de Richelieu, par M. de Paulmy, quinze chants honnêtes de ce grave poëme épique. Je lui ai promis que vous lui communiqueriez l’Orphelin. Voilà un compte très-exact des affaires de la province. Donnez-nous vos ordres, et aimez-nous.

M. le maréchal de Richelieu nous apprend le bruit cruel qui court que je fais imprimer à Genève cet ouvrage, qu’on vend manuscrit à Paris à tout le monde, et que je le gâte. Il n’y a rien de plus faux, ni de plus dangereux, ni de plus funeste pour moi, qu’un pareil bruit.


2951. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 21 juillet.

Mon cher ange, vous avez dû recevoir les cinq Chinois par M. de Chauvelin, et une petite correction au quatrième acte, par la poste. Il est juste que je vous rende compte des moindres particularités de la Chine. Celles qui regardent l’ouvrage que Darget et bien d’autres personnes ont entre les mains sont bien tristes. Il n’est que trop vrai que ce Grasset, dont vous aviez eu la bonté de me parler, en avait un exemplaire ; mais ce qu’il y a de plus cruel, c’est le bruit qui court, et dont M. le maréchal de Richelieu m’a instruit. Cette idée est aussi funeste qu’elle est mal fondée. Comment avez-vous pu croire que je songeasse à me priver de l’asile que j’ai choisi, et qui m’a tant coûté ? comment avez-vous pensé que je voulusse publier moi-même ce que j’ai envoyé à Mme de Pompadour, et perdre ainsi tout d’un coup le mérite de ma petite confiance ? J’ai embelli assurément l’ouvrage, au lieu de le gâter ; et je suis d’autant plus en droit de con-

  1. Jean-François Joly de Fleury de La Valette, intendant de Bourgogne depuis 1749.