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embellis ? Dieu merci, les vaches vous sont plus favorables que les ânesses. Pour moi, j’ai un âne qui me fait bien de la peine ; car mon âne tient un grand rang dans l’ouvrage que vous savez, et on lui a fait de terribles oreilles dans les maudites copies qui courent. Je vous enverrai certainement la véritable leçon, et vous en ferez tout ce qu’il vous plaira. Je vous enverrai aussi notre Orphelin de la Chine. Mais, en vérité, nous n’avons guère le temps de nous reconnaître, et je ne sais pas trop comment je peux suffire à toutes les sottises que j’ai entreprises. Il s’en faut bien que j’aie la santé que M. Tronchin me donne si libéralement. Il s’imagine que quiconque a eu le bonheur de le voir et de lui parler doit se bien porter ; il est comme les magiciens, qui croyaient guérir avec des paroles. Il a raison, car personne ne parle mieux que lui, et n’a plus d’esprit ; mais je ne m’en porte pas mieux.

À propos, Thieriot a douze chants de ce que vous savez ; demandez-les-lui sur-le-champ. Faites-les copier ; cela vous amusera, vous et votre frère, quand il sera las de lire son bréviaire et de rapporter des procès. Je voudrais bien que mon abbaye fût aussi sur les bords de la Seine[1] ; mais j’ai bien l’air d’avoir planté le piquet pour jamais sur les bords du lac de Genève. Les malades ne se transportent guère, à moins que ce ne soit aux eaux de Plombières, lorsque vous irez[2].


2945. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU[3].

La voulez-vous, la voulez-vous pour vous amuser, monseigneur ? Quoi ? qui ? la Pucelle ! la Pucelle ! Vous en avez trouvé un petit nombre dans le cours de votre aimable vie. Je vous l’enverrai par la voie que vous ordonnerez. J’en ai une copie en quinze chants, mais fort exacte, quoique griffonnée. Vous la ferez transcrire ; vous m’honorerez d’une place dans votre bibliothèque. Vous l’aurez plus complète et plus finie que personne, et cela ne laissera pas d’égayer votre belle imagination. C’est le vrai bréviaire de mon héros.

L’Orphelin de la Chine n’est pas si gai ; je l’envoie à M. d’Argental, pour qu’il le soumette à vos lumières. Je voudrais vous faire ma

  1. L’abbaye de Scellières, où Voltaire fut inhumé en 1778, était située dans la commune de Romilly-sur-Seine.
  2. Les deux alinéas qui dans Beuchot, sont à la fin de cette lettre forment une lettre à part. Voyez au 23 août.
  3. Éditeurs, de Cavrol et François.