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pour quinze ducats, en un libelle abominable un livre entrepris pour la gloire de la nation.

On en a fait à peu près autant des matériaux de l’Histoire générale, et enfin on traite de même ce petit poëme fait il y a environ vingt-cinq ans. On fait une gueuse abominable de cette Pucelle, qui n’avait qu’une gaieté innocente. Corbi prétend qu’un nommé Grasset a acheté mille écus un de ces détestables exemplaires.

Je sais quel est ce Grasset ; il n’est point du tout en état de donner mille écus. Corbi ferait à la fois une très-mauvaise action et un très-mauvais marché d’imprimer cette détestable rapsodie. Les morceaux qu’on m’a envoyés sont faits par la canaille et pour la canaille. Si vous rencontrez Corbi, dites-lui qu’on le trompe bien indignement. Songez que, quand on falsifie mes ouvrages, c’est votre bien qu’on vole, et que vous devriez venir ici arranger votre héritage.


2925. — DE M. DARGET[1].
À Vincennes, le 1er juillet.

Si vous êtes persuadé de mon amitié, monsieur, autant que vous devez l’être par les temoignages que j’ai été assez heureux de vous en donner à Potsdam et à Berlin ; si vous pensez de ma probité un peu mieux que La Beaumelle ne vous en fait parler dans une de ses réponses[2], vous n’avez pas dû être inquiet de la lecture que j’ai faite de votre Pucelle à Vincennes. L’assemblée était composée de gens qui vous admirent et qui ont le droit de vous admirer ; M. le chevalier de Croismare y présidait ; Mme  de Meyzieu[3] en était ; M. l’abbé Chauvelin devait y être ; et l’on pourrait dire que l’auditoire était prévenu, si ce mot-là pouvait être employé quand il est question de vos ouvrages.

La copie que j’ai lue est une copie exacte, mais mal écrite, et qui avait été apportée d’Allemagne, où elle existe de votre aveu, pour être mise au net à Paris par une belle main. J’ai empêché cette opération, dont je connais le danger. Je me souviens que Tinois vous déroba une copie, en en faisant une sous vos yeux pour le roi de Prusse, et je me rappelle avec plaisir que je fus cause que cette copie furtive ne fut pas portée en Hollande. J’ai saisi avec le même zèle pour vous, monsieur, l’occasion, quoique ignorée, de vous servir de nouveau en empêchant que cet ouvrage, étant mis au net

  1. Réponse à la lettre 2917.
  2. À la page 129 de sa Lettre sur mes démêlés avec M. de Voltaire, imprimée à la suite de la Réponse au Supplément du Siècle de Louis XIV, 1754, in-12, La Beaumelle fait dire à Voltaire que N… (c’est de Darget qu’il s’agit) est un homme sans honneur et sans foi. (B.)
  3. Mme  Pâris de Meyzieu, nièce de Pâris-Montmartel et de Pâris-Duverney.