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Il est très-certain que Grasset n’est qu’un prête-nom ; que c’est à Paris qu’on a fabriqué les additions à cet ancien poëme : que c’est à Paris qu’elles courent, et qu’on veut les imprimer ; que des protecteurs de Corbi les ont eues ; que Corbi ne les a obtenues que par eux, et que, en un mot, Corbi peut faire beaucoup de mal en les publiant, et beaucoup de bien en s’opposant à l’édition.

Vous devez avoir reçu un paquet par M. Bouret[1] Je vous prie de donner à M. de Thibouville cet âne honnête, en attendant que je sois en état de refaire la fin du quatrième acte et le commencement du cinquième. La pièce tomberait dans l’état où elle est. Il faut qu’elle soit digne de votre goût et de votre amitié ; mais, pour cela, il me faut santé et repos d’esprit. Je n’ai ni l’un ni l’autre.

Si vous avez quelques gros paquets à me faire tenir, je vous prie de les adresser chez M. Bouret.

Le vieux Hibou des Alpes.

2924. — À M. THIERIOT.
Aux Délices, le 28 mai.

Vous me disiez, dans votre dernière lettre, mon cher et ancien ami, que je devrais bien vous envoyer quelques chants de la Pucelle. Je vous assure que je vous ferai tenir, de grand cœur, tout ce que j’en ai fait. Ne m’en ayez pas d’obligation ; je suis intéressé à remettre le véritable ouvrage entre vos mains. Les lambeaux défigurés qui courent dans Paris achèvent de me désespérer. On s’est avisé de remplir les lacunes de toutes les grossièretés qui peuvent déshonorer un ouvrage. On y a ajouté des personnalités odieuses et ridicules contre moi, contre mes amis, et contre des personnes très-respectables[2]. C’est un nouveau brigandage introduit depuis peu dans la littérature, ou plutôt dans la librairie. La Beaumelle est le premier, je crois, qui ait osé faire imprimer l’ouvrage d’un homme, de son vivant, avec des commentaires chargés d’injures et de calomnies. Ce malheureux Érostrate du Siècle de Louis XIV a trouvé le secret de changer,

  1. Intendant ou fermier général des postes, auquel est adressée une lettre du 13 août 1768.
  2. Mme de Pompadour, que Frédéric appelait Cotillon II, et que Marie-Thérèse appela sa chère amie, avait, ainsi que Louis XV, place dans des vers qui sont aujourd’hui parmi les variantes, chants II, XIV et XV.