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2922. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Aux Délices, 26 mai.

Est-il possible, monseigneur, que votre santé soit si longtemps à revenir ! Comment avez-vous pu soutenir tant de douleurs et tant de privations ? À quoi donc avez-vous passé le temps, dans ce désœuvrement si triste et si étranger pour vous ? Une tragédie chinoise ne vaut pas la belle porcelaine de la Chine. Vous vous connaissez à merveille à ces deux curiosités-là, et vous avez dû bien sentir que la tragédie n’était point encore digne de paraître sous vos auspices. Ces cinq magots de la Chine ne sont encore ni cuits ni peints comme je le voudrais. Il faut attendre l’année[1] de votre consulat pour les présenter, et employer beaucoup de temps pour les finir.

Mais je suis actuellement très-incapable de cuire et de peindre. Ce maudit ouvrage d’une autre espèce, dont on vous a régalé pendant votre maladie, me rend bien malade. On m’en a envoyé des morceaux indignement falsifiés, qui font frémir le bon goût et la décence. Ces rapsodies courent ; on veut les imprimer sous mon nom. L’avidité et la malignité se joignent pour me tuer. Je vous conjure de parler à ceux qui vous ont fait lire ces misères, ils sont à portée d’empêcher qu’on ne les publie. J’aurai l’honneur de vous faire tenir le véritable manuscrit ; il vous amusera ; il n’en vaut que mieux pour être plus décent ; un peu de gaze sied bien, même à un âne.

Un nommé Corbi est fort au fait de toute cette horreur. Si vous daignez l’envoyer chercher, il renoncera au projet d’imprimer quelque chose d’aussi détestable et de si dangereux, dans l’espérance de faire des profits plus honnêtes.

Mme Denis et moi, nous nous mettons entre vos mains, et nous espérons tout de vos bontés.



2923. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Au Délices, près de Genève, 28 mai.

Pardon, mon cher ange, nous ne savons pas précisément la demeure de Corbi, et nous vous supplions de lui faire tenir cette lettre.

  1. Richelieu ne dut être d’année, ou de service, qu’en 1757, comme premier gentilhomme de la chambre ; mais l’Orphelin fut joué le 20 août 1755.