Venez, mon cher et ancien ami. Il est bon de se retrouver le soir, après avoir couru dans cette journée de la vie.
Mon cher Orosmane, venez à Dijon, où l’on vous admire, et de là dans une maison où l’on vous chérit. Si vous voulez que j’écrive à M. le maréchal de Richelieu pour vous faire obtenir un congé, je hasarderai ma faible recommandation, et Mme Denis y ajoutera la sienne, qui n’est pas faible.
J’aimerai jusqu’au dernier moment le spectacle de Paris qui fait le plus d’honneur à la nation ; mais je vous aimerai encore davantage. Faites mes compliments, je vous en prie, à tous vos camarades. J’ai lu le Triumvirat ; j’y ai trouvé de belles choses. Ce n’est point M. de Crébillon qui a quatre-vingts ans, c’est moi : car c’est la maladie qui fait la vieillesse et qui détruit les talents ; mais rien ne détruit mon goût pour les talents des autres, et surtout pour ceux que vous possédez. Adieu ; je vous embrasse de tout mon cœur, je vous embrasse tendrement.
P. S. Pour moi, qui me porte bien, monsieur, je trouve le Triumvirat détestable ; mais je meurs d’envie de vous voir, aussi bien que mon oncle. Je suis fort flattée de votre souvenir. Venez voir le malade et sa garde ; vous serez reçu avec le plus grand plaisir du monde, et mon oncle n’aura peut-être pas le cœur assez dur pour vous laisser partir les mains vides. On a beau essayer de persuader au public que mon oncle avait fait le Triumvirat, celui de Crébillon n’en a pas paru meilleur. Quelle folie de répandre de pareils bruits !
Adieu, monsieur ; allez à Dijon vous faire admirer, et venez nous voir : nous aimons autant votre personne que vos talents.
Je me félicite, monsieur, d’être enfin votre voisin, et je vous demande mille pardons, aussi bien qu’à M. de Brenles, de n’être pas venu chez vous deux vous remercier de m’avoir fait Lausannois ; mais j’étais si malade, j’avais si peu de temps, et j’étais
- ↑ Éditeurs, de Cayrol et François.