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Je finis en vous remerciant encore, et en vous assurant que je serai toute ma vie, avec la plus invariable reconnaissance, monsieur, votre, etc.


2879. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Prangins, 13 février.

Mon héros, j’apprends que M. le duc de Fronsac est tiré d’affaire, et que vous êtes revenu de Montpellier avec le soleil de ce pays-là sur le visage, enluminé d’un érysipèle. J’en ai eu un, moi indigne, et je m’en suis guéri avec de l’eau ; c’est un cordial qui guérit tout. Il ne donne pas de force aux gens nés faibles comme moi ; mais vous êtes né fort, et votre corps est tout fait pour votre belle âme. Peut-être êtes-vous à présent quitte de vos boutons.

J’eus l’honneur, en partant de Lyon, d’avoir une explication avec M. le cardinal de Tencin sur le concile d’Emnbrun. Je lui fournis des preuves que les écrivains ecclésiastiques appellent petits conciles les conciles provinciaux, et grands conciles les conciles œcuméniques. Il sait d’ailleurs mon respect pour lui, et mon attachement pour sa famille, etc.

Je n’ai qu’à me louer, à présent, des bontés du roi de Prusse, etc. ; mais cela ne m’a pas empêché d’acquérir sur les bords du lac de Genève une maison charmante et un jardin délicieux. Je l’aimerais mieux dans la mouvance de richelieu. J’ai choisi ce canton, séduit par la beauté inexprimable de la situation, et par le voisinage d’un fameux médecin, et par l’espérance de venir vous faire ma cour, quand vous irez dans votre royaume. Il est plaisant que je n’aie de terres que dans le seul pays où il ne m’est pas permis d’en acquérir. La belle loi fondamentale de Genève est qu’aucun catholique ne puisse respirer l’air de son territoire. La république a donné, en ma faveur, une petite entorse à la loi, avec tous les petits agréments possibles. On ne peut ni avoir une retraite plus agréable, ni être plus fâché d’être loin de vous. Vous avez vu des Suisses, vous n’en avez point vu qui aient pour vous un plus tendre respect que


le Suisse Voltaire.