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2845. — À M. DUPONT.
avocat.
À Prangins, pays de Vaud, près Nyon, 7 janvier.

Sur votre lettre du 31 décembre, mon cher ami, j’écris à M. de La Marche une lettre à fendre les cœurs ; j’importunerai encore M. d’Argenson. J’écrirais au confesseur du roi, et au diable, s’il le fallait, pour votre prévôté ; et, si j’étais à Versailles, je vous réponds qu’à force de crier je ferais votre affaire. Mais je suis à Prangins, vis-à-vis Ripaille[1], et j’ai bien peur que des prières du lac de Genève ne soient point exaucées sur les bords de la Seine. Je vous aimerais mieux bailli de Lausanne que prévôt de Munster, Tâchez de vous faire huguenot, vous serez magistrat dans le bon pays romance. Je tremble que les places d’Alsace ne dépendent des dames de Paris, et que deux cents louis ne l’emportent sur le zèle le plus vif, et sur la plus tendre amitié. Je ne vous écris point de ma main, parce que je souffre presque autant que vos juifs. Il est vrai que j’ai la consolation de n’avoir point de Père Kroust à mes oreilles. J’ai les Mandrins à ma porte ; j’aime encore mieux un Mandrin[2] qu’un Kroust. Adieu ; si vous êtes prévôt, je serai le plus heureux des hommes. Mille tendres respects à Mme  Dupont. Que devient la douairière Goll ?

Je vous prie de vouloir bien envoyer chercher M. de Turckeim, de le remercier de ma part, et de lui demander ce qu’il lui faut pour ses déboursés et pour ses peines, moyennant quoi je lui enverrai un mandement sur son frère. Pardon.


2846. — DE COLINI À M. DUPONT[3].
À Prangins, 11 janvier 1755.

Monsieur, votre prévôté me donne de la besogne. On m’a dicté jusqu’ici beaucoup de lettres à ce sujet ; et vous voulez bien permettre que je vous

  1. Ripaille est effectivement presque en face de Prangins ; aussi prétend-on, à Prangins et à Nyon, que ce fut au château de M. Guiguer que Voltaire composa les vers :

    Au bord de cette mer où s’égarent mes yeux,
    Ripaille, je te vois, etc.

    Voyez les notes de l’Épître de mars 1755, tome X.

  2. L. Mandrin, fameux contrebandier, rôdait alors en Savoie, où on le saisit quelques mois plus tard. Il fut roué le 26 mai 1755. Son Testament politique parut, à Genève, en 1756.
  3. Lettres inédites de Voltaire, etc., 1821.