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2829. – DE MADAME DENIS
à m. tronchin, banquier à lyon[1].
14 Décembre.

Je vous jure que mon oncle n’a point de fiel contre la personne dont vous me parlez[2] ; il en a même été bien plus content à la deuxième entrevue qu’à la première. Je puis même vous répondre qu’il n’en a parlé à Lyon et à Genève que dans des termes très-convenables, et qu’il a la plus grande envie du monde de mériter son amitié. Je me flatte toujours que vous nous la ménagerez. Je ne suis point étonnée que dans une grande ville comme Lyon on l’ait fait parler ; la crainte même que cela n’augmente nous a fait prendre la résolution de quitter Lyon plus tôt que nous ne l’avions projeté. Mon oncle est tendrement attaché à toute sa famille, et est bien loin de vouloir déplaire à un chef aussi respectable. Dans le temps qu’il quitta la cour, il est très-vrai qu’on était fort fâché ; mais les choses se sont bien radoucies depuis. Le temps où l’on a reçu la lettre qui a effarouché a été encore un moment orageux, parce qu’on crut que mon oncle avait donné au public un livre qui a déplu ; mais il a été bien prouvé, depuis, qu’il était tronqué et défiguré, et qu’il n’avait eu nulle part à l’impression. Ainsi tout est en paix présentement, et le maréchal nous a assurés que nous devions être très-tranquilles, et qu’on revenait beaucoup sur le compte de qui vous savez. Vos soins, monsieur, feront le reste : car Lyon est une ville charmante, où nous serons enchantés d’avoir l’honneur de vous voir et de faire notre cour à monsieur le cardinal.

Nous sommes arrivés à Genève le troisième jour, comme nous l’avions projeté. Il n’y a point de prévenance que nous n’ayons reçue de toute votre aimable famille. Monsieur votre frère[3] nous a fait garder les portes de Genève jusqu’à six heures. Nous soupâmes hier chez monsieur votre cousin[4], et nous les avons tous quittés avec bien du regret.


2830. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[5].
Au château de Prangins, près de la ville de Nyon, au pays
de Vaud, en Suisse, 10 décembre 1754.

Madame, je reçois au bord du plus beau lac du monde la lettre dont Votre Altesse sérénissime m’honore. Ce n’est pas dans le seul cabaret de Colmar que j’ai rencontré Mme  la margrave de Baireuth ; j’ai eu encore l’honneur de lui faire ma cour dans une auberge de Lyon. J’avais, sans le savoir, l’air de courir après elle

  1. Éditeurs, de Cayrol et Franrois.
  2. Le cardinal de Tencin, archevêque de Lyon.
  3. Le conseiller d’Était.
  4. Le médecin.
  5. Éditeurs, Bavoux et François.