qu’il donne des forces. Si vous pouviez voir mon état et nos embarras, vous auriez pitié de deux chétives créatures.
Nous partons[1] pour Lyon, mon cher ange ; M. de Richelieu nous y donne rendez-vous. Je ne sais comment nous ferons, Mme Denis et moi ; nous sommes malades, très-embarrassés, et toujours dans la crainte de cette Pucelle. Nous vous écrirons dès que nous serons arrivés. Je dois à votre amitié compte de mes marches comme de mes pensées, et je n’ai que le temps de vous dire que je suis très-attristé d’aller dans un pays où vous n’êtes pas. Que n’êtes-vous archevêque de Lyon, solidairement avec Mme d’Argental ! Mille tendres respects à tous les anges.
Le roi a reçu, monsieur, la lettre que vous avez eu l’honneur de lui écrire. Sa Majesié m’a ordonné de vous répondre que vous vous seriez adressé à elle avec raison pour lui demander un passe-port, si vous aviez dû venir dans quelque ville de ses États ; et qu’au reste Montpellier[3] étant situé dans un pays libre, tout le monde pouvait y aller lorsqu’il n’y avait aucun empêchement particulier. Le roi croyait que les conférences que vous
- ↑ Arrivé dans l’ancienne capitale de la haute Alsace au commencement d’octobre 1753, Voltaire quitta Colmar le 11 novembre 1754, après un séjour de plus de treize mois, y compris le temps passé par lui à Senones et à Plombières. Accompagné de Mme Denis et de Colini, il arriva à Lyon le 15 novembre, et y fut reçu avec enthousiasme. De là il se rendit à Genève, où il entra dans la soirée du 12
(et non du 21) décembre 1754, comme on le prouve dans une note de la lettre 2828.
— Voltaire avait eu l’intention de s’établir aux environs de Colmar ; mais les intrigues des jésuites Merat, Kroust, Ernest, etc., concertées avec celles des confesseurs de la dauphine et du roi Stanislas, parvinrent à le dégoûter d’une ville où un brave iroquois jésuite, nommé Aubert, avait fait un auto-da-fé des Œuvres de Bayle, quelques années auparavant. (Cl.)
- ↑ Œuvrcs de Frédéric le Grand, Berlin, 1853. tome XXIII, page 6. — Cette lettre est tirée des archives du Cabinet de Berlin.
- ↑ Frédéric écrit à milord Maréchal, le 31 décembre 1754 : « Plus de Voltaire, mon cher milord. Ce fou est allé à Avignon, où ma sœur l’a mandé. Je crains fort qu’elle ne s’en repente bientôt. » Voltaire n’alla ni à Montpellier, ni à Avignon, mais seulement à Lyon, d’où il écrit au comte d’Argental, le 20 novembre 1754 : « J’ai été plus accueilli et mieux traité de la margrave de Baireuth, qui est encore à Lyon. »