que les dames qui se tuent à six mille lieues d’ici font la satire de celles qui vivent à Paris. Cela serait très-injuste ; mais on fait des tracasseries mortelles, tous les jours, sur des prétextes encore plus déraisonnables.
J’ai prié instamment M, d’Argental de ne me point exposer à de nouvelles peines. Ce qui pourrait résulter d’agrément d’un petit succès serait bien peu de chose, et les dégoûts qui en naîtraient seraient violents. Je vous remercie de vous être jointe à moi pour modérer l’ardeur de M. d’Argental, qui ne connaît point le danger quand il s’agit de théâtre. C’en serait trop que d’élre vilipendé à la fois à l’Opéra et à la Comédie : c’est bien assez que M. Royer m’immole à ses doubles croches.
Ne pourriez-vous point, quand vous irez à l’Opéra, parler à ce sublime Royer, et lui demander au moins une copie des paroles telles qu’il les a embellies par sa divine musique ? Vous auriez au moins le premier avant-goût des sifflets ; c’est un droit de famille qu’il ne peut vous refuser.
Vous ne me dites rien de monsieur l’abbé ; je le croyais déjà sur la liste des bénéfices[1]. Votre sœur est religieuse dans mon couvent ; cependant, si ma santé le permet, nous irons passer une partie de l’hiver à la cour de l’électeur Palatin[2], qui veut bien m’en donner la permission ; après quoi nous irions habiter une terre assez belle du côté de Lyon, qu’on me propose actuellement. Mais la mauvaise santé est un grand obstacle au voyage de Manheim ; j’aimerais mieux sans doute faire celui de Plombières. Si votre estomac vous y ramène jamais, mon cœur m’y ramènera. Votre sœur aura un autre régime que vous ; elle n’est pas faite pour prendre les eaux avec votre régularité.
Adieu, ma chère nièce ; il faut espérer que je vous reverrai encore.
Monsieur, vous permettrez que je vous présente mes respects du milieu des Vosges. Ces montagnes ne sont pas agréables, mais je les trouverais charmantes si vous y étiez. M. de Voltaire, qui vous fait les plus tendres compliments, a pris la résolution de passer l’hiver à Colmar. Il vous regarde,