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2785. — DE CHARLES-THÉODORE,
électeur palatin.
Schwetzingen, ce 28 août.

Je suis charmé d'apprendre par votre lettre[1], monsieur, que vous continuez de travailler à un ouvrage[2] que le public doit désirer avec empressement, et que, malgré les peines et les soins que vous vous donnez dans les profondes recherches que vous faites dans l’histoire, vous vous occupiez encore à orner le théâtre français d’une nouvelle tragédie. Je suis bien impatient de la voir : You’re in the right to think that I don’t dislike the English tasle, and I hâve borrow’d this way of thinking from the observations on this nation. Les trop grandes libertés de la tragédie anglaise étant réduites à de justes bornes par quelqu’un qui sait si bien les compasser que vous, monsieur, ne pourront que plaire à tous ceux qui jugent sans prévention. Je tombe moi-même un peu dans le défaut d’être prévenu, puisque je le suis déjà pour ce nouvel enfant légitime, dont je serai charmé de revoir le père, qui en fait tant et de si beaux. J’espère que votre santé se remet. Soyez sûr de l’estime avec laquelle je suis, etc.


Charles-Théodore, électeur.

2786. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Colmar, le 8 septembre.

C’est moi, mon cher ange, qui veux et qui fais tout ce que vous voulez, puisque je vous envoie, par pure obéissance, des Tartares et des Chinois dont je ne suis pas content. Il me paraît que c’est un ouvrage plus singulier qu’intéressant, et je dois craindre que la hardiesse de donner une tragédie en trois actes[3] ne soit regardée comme l’impuissance d’en faire une en cinq. D’ailleurs, quand elle aurait un peu de succès, quel avantage me procurerait-elle ? L’assiduité de mes travaux ne désarmera point ceux qui me veulent du mal. Enfin je vous obéis ; faites ce que vous croirez le plus convenable. Soyez sévère, et faites lire la pièce par des yeux encore plus sévères que les vôtres.

Vous connaissez trop le théâtre et le cœur humain pour ne pas sentir que, dans un pareil sujet, cinq actes allongeraient une action qui n’en comporte que trois. Dès qu’un homme comme notre conquérant tartare a dit : J’aime, il n’y a plus pour

  1. Cette lettre n’a pas été recueillie. (Cl.)
  2. Essai sur l’Histoire générale, devenu depuis l’Essai sur les Mœurs.
  3. L’Orphelin n’était alors qu’en trois actes : voyez la lettre 2783