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2751. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Senones, par Ravon, ou Raon, le 16 juin.

Mon cher ange, je ne sais si Mme  Denis a raison ou non. J’attends votre décision. Je suis un moine soumis aux ordres de mon abbé, et je n’attends que votre obédience. Je vous supplie de vouloir bien vous faire donner une ou deux lettres qui doivent m’être adressées à Plombières, vers le 20 du mois ; je me flatte que vous me manderez de les venir chercher moi-même, Savez-vous bien que je ne suis point en France, que Senones est terre d’empire, et que je ne dépends que du pape pour le spirituel ? Je lis ici, ne vous déplaise, les Pères et les Conciles. Vous me remettrez peut-être au régime de la tragédie, quand j’aurai le bonheur de vous voir. Comment vous trouvez-vous du régime des eaux, vous et Mme  d’Argental ? Faites-vous une santé vigoureuse pour une cinquantaine d’années, et puissions-nous vivre à la Fontenelle, avec un cœur un peu plus sensible que le sien ! Il serait beau de s’aimer à cent ans. Nous avons à peu près cinquante ans d’amitié sur la tête. Je me meurs d’impatience de vous voir. Je n’ai jamais eu de désirs si vifs dans ma jeunesse. Donnez-moi donc un rendez-vous à Plombières, fût-ce malgré Mme  Denis. Je tremble d’être né pour les passions malheureuses. Adieu, mon cher ange ; je volerai sous vos ailes, à vos ordres, et je me remettrai de tout à votre providence.


2752. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Senones, par Raon, le 20 juin.

Vous me laissez faire, mon cher et respectable ami, un long noviciat dans ma Thébaïde. Voici la troisième lettre que je vous écris. Je n’ai de nouvelles ni de vous ni de Mme  Denis. Elle m’a mandé que vous m’avertiriez du temps où je dois venir vous trouver ; mon cœur n’avait pas besoin de ses avertissements pour être à vos ordres. Je ne suis parti que pour venir vous voir, et voici à moitié chemin, sans savoir encore si je dois avancer. Je vous ai supplié de vouloir bien vous informer d’un paquet de lettres qu’on m’a adressé à Plombières, où je devrais être. J’écris[1] au maître de la poste de Remiremont pour en savoir des nou-

  1. Cette lettre n’est point imprimée.