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sais rien des petites, sinon qu’un chimiste du duc de Deux-Ponts, nommé Bull ou Pull, parent, je crois, d’un de vos ministres, a tenté en vain de créer du salpêtre à Colmar. Il a travaillé à Colmar, pendant trois mois, avec un Saxon nommé le baron de Planitz, et ni l’un ni l’autre n’ont encore réussi dans le secret de perfectionner la manière de tuer les hommes. On croit avoir découvert, à Londres et à Paris, l’art de rendre l’eau de la mer potable, et on pourrait bien n’y pas réussir davantage. De bons livres nouveaux, il n’y en a point. Il en paraît quelques-uns sur le commerce : on les dit de quelque utilité ; mais il ne se fait plus de livres agréables.

Il semble que depuis quelque temps les livres ne soient composés que pour des marchands et des apothicaires. Tout roule sur la physique et sur le négoce. Cela n’est guère amusant pour une princesse pleine d’esprit et de sentiment, qui veut nourrir son âme. Il faut s’en tenir aux bons ouvrages du siècle passé. Vos propres réflexions, madame, vaudront mieux que tout ce qu’on fait aujourd’hui. Que ne puis-je être à portée d’admirer de près votre belle âme, tous vos sentiments, votre manière judicieuse de penser ! Que ne puis-je renouveler à vos pieds le profond respect et le culte que mon âme a voués à la vôtre !


2745. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Colmar, le 29 mai.

Mon cher ange, j’ai oublié, dans ma dernière lettre, de vous parler d’un vieux papier cacheté dont vous avez eu la bonté de vous charger. Le plaisir de m’occuper de votre voyage des eaux me tenait tout entier.


Posthabui tamen illorum mea seria ludo.

(Virg. ecl. vii, v. 17.)

Ce papier est, ne vous déplaise, mon testament, qu’il faut que je corrige comme mes autres ouvrages, pour éviter la critique, attendu que mes affaires ayant changé de face, et moi aussi, depuis cinq ans, il faut que je conforme mes dispositions à mon état présent. Vous souvenez-vous encore que vous avez une Pucelle d’une vieille copie, et que cette Jeanne, négligée et ridée, doit faire place à une Jeanne un peu mieux atournée, que j’aurai l’honneur de vous apporter pour faire passer vos eaux plus allègrement ? N’auriez-vous pas le Factum de M. de La Bourdonnais,