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autant qu’elles le peuvent, leur première origine. Cependant, en dépit des Boulainvilliers, toute origine est petite, et le Capitole fut d’abord une chaumière.

La grande partie du droit public, qui n’a été pendant six : cents ans qu’un combat perpétuel entre l’Italie et l’Allemagne, est l’objet principal de ces Annales ; mais je me suis bien donné de garde de traiter cette matière dogmatiquement. J’ai fait encore moins le raisonneur sur les droits des empereurs et des États de l’empire.

Il est certain que Tibère était un prince un peu plus puissant que Charles VIIVII et François Ie. Tout le pouvoir que les empereurs allemands ont exercé sur Rome, depuis Charlemagne, a consisté à la saccager et à la rançonner dans l’occasion. Voilà ce que j’indique, et le lecteur bénévole peut juger.

J’aurais eu assurément, monsieur, des lecteurs plus bénévoles si j’avais pu vous imiter comme j’ai tâché de vous suivre ; mais je n’ai fait ce petit abrégé que par pure obéissance pour Mme la duchesse de Saxe-Gotha ; et, quand on ne fait qu’obéir, on ne réussit que médiocrement. Cependant j’ose dire que, dans ce petit abrégé, il y a plus de choses essentielles que dans la grande Histoire[1] du révérend père Barre, Je vous soumets cet ouvrage, monsieur, comme à mon maître en fait d’histoire.

Puisque me voilà en train de vous parler de cet objet de vos études et de votre gloire, permettez-moi de vous dire que je suis un peu fâché qu’on soit tombé depuis peu si rudement sur Rapin de Thoiras. Rien ne me paraît plus injuste et plus indécent. Je regarde cet historien comme le meilleur que nous ayons ; je ne sais si je me trompe. Je me flatte au reste que vous me rendrez justice sur la prétendue Histoire universelle qu’on a imprimée sous mon nom. Celui qui a vendu un mauvais manuscrit tronqué et défiguré n’a pas fait l’action du plus honnête homme du monde ; les libraires qui l’ont imprimé ne sont ni des Robert Estienne ni des Plantin ; et ceux qui m’ont imputé cette rapsodie ne sont pas des Bayle.

J’espère faire voir (si je vis) que mon véritable ouvrage est un peu différent ; mais, pour achever une telle entreprise, il me faudrait plus de santé et de secours que je n’en ai.

Adieu, monsieur ; conservez-moi vos bontés, et ne m’oubliez pas auprès de Mme du Defant. Soyez très-persuadé de mon attachement et de ma tendre et respectueuse estime.

  1. Histoire générale d’Allemagne, 1748, 11 vol. in-4°.