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CORRESPONDANCE.

changer ; que je n’ai rien à espérer, rien à faire qu’à aller mourir dans quelque retraite paisible. Le sort de quiconque sert le public de sa plume n’est pas heureux. Le président de Thou fut persécuté, Corneille et La Fontaine moururent dans des greniers, Molière fut enterré à grand’peine, Racine mourut de chagrin, Rousseau dans le bannissement, moi dans l’exil ; mais Moncrif a réussi, et cela console.

Mon cher ange, la vraie consolation est une amitié comme la vôtre, soutenue d’un peu de philosophie.

2710. — À M. DUPONT,
avocat.

Si vous êtes chez vous, je vous prie de me déterrer quelque canoniste qui parle du temps où le mariage fut érigé en sacrement.

2711. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Colmar, le 10 mars.

Mon cher et respectable ami, je ne peux que vous montrer des blessures que la mort seule peut guérir. Me voilà exilé pour jamais de Paris, pour un livre qui n’est pas certainement le mien dans l’état où il paraît, pour un livre que j’ai réprouvé et condamné si hautement. Le Procès-verbal authentique de confrontation que j’ai fait faire, et dont j’ai envoyé sept exemplaires à Mme Denis, ne parviendra pas jusqu’au roi, et je reste persécuté.

Cette situation, aggravée par de longues maladies, ne devrait pas, je crois, être encore empoisonnée par l’abus cruel que ma nièce a fait de mes malheurs. Voici les propres mots de sa lettre du 20 février : « Le chagrin vous a peut-être tourné la tête ; mais peut-il gâter le cœur ? L’avarice vous poignarde ; vous n’avez qu’à parler… Je n’ai pris de l’argent chez Laleu que parce que j’ai imaginé à tout moment que vous reveniez, et qu’il aurait paru trop singulier, dans le public, que j’eusse tout quitté, surtout ayant dit à la cour et à la ville que vous me doubliez mon revenu. »

Ensuite elle a rayé à demi l’avarice vous poignarde, et a mis l’amour de l’argent vous tourmente.

Elle continue : « Ne me forcez pas à vous haïr… Vous êtes le