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On a débité sous mon nom une édition barbare d’une prétendue Histoire universelle. Il faut être libraire hollandais pour imprimer tant de sottises, et abbé Français pour me les imputer. Adieu ; je vous embrasse philosophiquement et tendrement.


2705. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE[1].

Dans les maladies qui me tourmentent depuis si longtemps, et qui me rendent étonné de vivre, tout ce que je désire avant de mourir, c’est que Sa Majesté le roi de Prusse soit instruite que j’ai conservé pour lui, jusqu’au dernier moment, les respectueux sentiments qui m’attachèrent à lui quand il me prévint par tant de bontés.

L’ennemi cruel qui m’a perdu auprès de lui ne m’ôtera pas ma façon de penser. On imprima, dès qu’il fut à Paris, un misérable écrit, dans lequel on entre dans les détails de la cuisine du roi, et dans lequel on parle de la famille royale avec l’indécence la plus méprisable ou la plus punissable. Cet impertinent écrit courait déjà le monde au milieu de l’année 1752 ; vingt personnes en peuvent rendre témoignage, et M. le marquis de Valori, ci-devant envoyé auprès de Sa Majesté le roi de Prusse, est prêt de déposer qu’il vit en 1752 cet écrit infâme.

Cependant mon ennemi, qui veut me perdre, m’accuse de l’avoir fait pour me venger de ce que ma nièce et moi ont essuyé à Francfort ; et il est le seul dans l’Europe qui affecte de croire cette calomnie.

Il est public d’ailleurs qu’en allant en France, et passant par Cassel, il y séjourna quatre jours sous le nom de Morel ; qu’il y fit imprimer un libelle chez le libraire Etienne ; qu’il l’envoya à Son Altesse sérénissime monseigneur le duc de Saxe-Gotha pour m’ôter sa protection.

Je me flatte que Sa Majesté, instruite de mon innocence, rendra du moins justice aux sentiments de mon cœur.


Voltaire.

Je suis bien sûr que ni Leurs Majestés les reines, ni Leurs Altesses royales messeigneurs les princes, ni aucun ministre, ne m’imputeront une rapsodie plus ridicule encore que condamnable.

  1. Éditeur, Th. Foisset.