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2697. — DU PÈRE DE MENOUX[1].
Nancy, le 23 février 1754.

Je suis flatté, monsieur, de l’honneur de votre souvenir. L’état de votre santé me touche et m’alarme. Ce que vous me mandez du père. Merat me surprend d’autant plus que, pendant deux ans que je l’ai vu ici, il s’est toujours comporté en homme sage et modéré. Depuis qu’il n’est plus de ma communauté, je n’ai aucune autorité sur lui. Je vais pourtant lui écrire, et je lui communiquerai votre lettre. Peut-être, vous, vous a-t-on fait des rapports peu fidèles, ou peut-être lui sera-t-il revenu à lui-même quelque chose qui l’aura indisposé contre vous ; et, de bonne foi, monsieur, comment voulez-vous que des gens dévoués comme nous à la religion, par conviction, par devoir, par zèle, se taisent toujours, quand ils entendent attaquer sans cesse la chose du monde qu’ils envisagent comme la plus sacrée et la plus salutaire ? Voilà cependant ce que l’on voit souvent dans les écrits répandus sous votre nom, et récemment dans le prétendu Précis de l’Histoire universelle. Je me suis toujours étonné qu’un aussi grand homme que vous, qui à tant d’admirateurs, n’ait pas encore trouvé un ami. Si vous m’aviez cru, vous vous seriez épargné cette foule de chagrins qui ont troublé la gloire et la douceur de vos jours. Je sens quelquefois couler mes larmes en lisant vos ouvrages ; plus je les admire, plus je vous plains. Ah ! si Dieu pouvait exaucer mes vœux… Que ne puis-je vous estimer autant que je vous aime !


2698. — À. MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[2].
À Colmar, 23 février 1754.

Madame, Votre Altesse sérénissime doit me trouver bien hardi. Non-seulement j’ai l’audace de ne pas recevoir, mais j’ai encore celle de ne pas emprunter. J’ai enfin retrouvé un manuscrit de cette Histoire universelle, conforme à celui que Votre Altesse sérénissime a entre les mains. Ainsi je la supplie de vouloir bien garder ce faible ouvrage, tout indigne qu’il est d’être dans sa bibliothèque. Je ne trouve guère d’expressions pour lui dire combien je suis touché et de ses bontés et de ses générosités ; j’en trouverais encore moins pour lui témoigner mon désir extrême de venir me mettre à ses pieds ; il n’y aura certainement que ma mauvaise santé qui pourra me priver de cette consolation. Mon état empire tous les jours, et je serai forcé d’aller chercher bien-

  1. Dernier Volume des œuvres de Voltaire, 1862.
  2. Éditeurs Bavoux et François.