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ultima regumme déplaît beaucoup. Je regarde comme un des plus tristes effets de ma destinée de n’avoir pu passer avec vous le reste d’une vie que j’ai commencée avec vous ; mais les pauvres humains sont des balles de paume avec lesquelles la fortune joue.

Je voudrais bien que ma balle fût poussée à Launai[1] ; mais elle fait tant de faux bonds que je ne peux savoir où elle tombera : ce ne sera pas probablement au théâtre des Ostrogoths de Paris. Je n’irai plus me fourrer dans ce tripot de la décadence. Vous avez d’ailleurs tant de grands hommes à Paris qu’on peut bien négliger cette partie de la littérature ; vous avez de plus des navets, et moi je n’ai plus de fleurs. Mon cher Cideville, à notre âge, il faut se moquer de tout, et vivre pour soi. Ce monde-ci est un vaste naufrage : sauve qui peut ; mais je suis bien loin du rivage !

Mes compliments au grand abbé[2]. Je vous embrasse, mon ancien ami, bien tendrement.


2685. — À M. JACOB VERNET,
à genève.
Colmar, le 1er février.

Monsieur, vous m’avez honoré autrefois de vos bontés et de votre correspondance ; je viens vous rappeler ce souvenir, au sujet d’une nouvelle, qu’on me mande de plusieurs endroits, qu’un nommé Claude Philibert imprime sous vos yeux une édition de ce malheureux Abrègé d’une Histoire prétendue universelle, que Jean Néaulme s’est avisé d’imprimer en mon nom à la Haye, d’après un manuscrit très-informe qu’il a trouvé le secret de rendre encore plus défectueux. Permettez que je joigne ici une des déclarations publiques que j’ai été obligé de faire.

Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien avoir la bonté de me mander la vérité sur cette prétendue édition de Genève. Ce serait une grande consolation pour moi si cette occasion servait à renouveler la bienveillance que vous m’avez témoignée, il y a plusieurs années, et que je mériterai toujours par la véritable estime avec laquelle j’ai l’honneur, etc.


Voltaire.
  1. Campagne de Cideville, située à cinq lieues de Rouen.
  2. L’abbé du Resnel.