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2683. — À MADAME LA MARGRAVE DE BAIREUTH[1].
À Colmar. 25 Janvier (1754).

Madame, je mets aux pieds de Votre Altesse royale ce nouvel hommage que je vous supplie d’agréer. Frère Voltaire est toujours le même : il n a fait que changer de cellule, il n’a point changé de sentiments, et peut-être qu’un jour le très-renommé et très-respectable père prieur saura que son moine ne lui a jamais manqué, et qu’il lui conservera attachement jusqu’au tombeau.

Je supplie Votre Altesse royale de vouloir permettre que je présente par ses mains, qui embellissent tout ce qu’elles touchent, ce faible ouvrage à celui qui a été toujours l’objet de ce que j’ai pensé et de ce que j’ai écrit, et qui en est comme vous le meilleur juge.

Je serai toute ma vie, avec le plus profond respect et l’attachement le plus inviolable, madame, de Votre Altesse royale le très-humble et Irès-obéissant serviteur.


Voltaire.

Permettra-t-elle que je mette deux exemplaires dans ce paquet pour M. d’Adhémar et pour M. de Montperny ?


2684. — À M. DE CIDEVILLE.
À Colmar, le 28 Janvier.

Mon cher et ancien ami, s’il est triste que les Français n’aient point de musique, il est encore plus triste qu’ils n’aient point de lois, et que les affaires publiques soient dans une confusion dont tous les particuliers se ressentent, Porro unum est necessarium, dit le père Berruyer après l’autre[2]. Mais ce necessarium, c’est la justice. Ce monde-ci est destiné à être bien malheureux, puisque, dans la plus profonde paix, on éprouve des désastres que la guerre même n’a jamais causés.

Si je voulais me plaindre des petites choses, je me plaindrais de l’édition barbare et tronquée qu’on a faite d’un ouvrage qui pouvait être utile ; mais les coups d’épingle ne sont pas sentis par ceux qui ont la jambe emportée d’un coup de canon. Ce ratio

  1. Revue française, mars 1866 ; tome XIII, page 351.
  2. Cet autre est saint Luc, ch. x, v. 42. (Cl.)