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pardonne à l’impatience de mettre à ses pieds mon hommage ; elle distribuera à qui elle voudra ces feuilles, marques de ma respectueuse reconnaissance et de mon envie de lui plaire. Reprenez, madame, cette santé brillante que je vous ai vue. Vivez heureuse au milieu d’une famille qui vous adore, et d’une cour qui vous bénit. Je me mets aux pieds de monseigneur et de toute votre auguste famille avec le plus profond respect et le plus sincère attachement.

Comme j’allais fermer ma lettre, je recevais celle dont Votre Altesse sérénissime m’honore, en date du 5 janvier. Madame, la forêt de Thuringe est bien plus belle que les rochers de la route d’Egra ; mais il n’y a plus pour moi de verdure. Je ne vois que la chute des feuilles, et, dans l’état où je suis, il n’y a plus pour moi de mois de mai tel que j’ai eu le bonheur d’en passer un chez la descendante d’Hercule. Je prendrai la liberté de lui léguer le poëme qu’elle sait par mon testament. Je me flatte qu’elle daignera sourire quelquefois avec la grande maîtresse des cœurs en lisant ce livre de morale, et qu’elle se souviendra avec bonté de l’auteur, qui vivra et mourra en regrettant plus la Thuringe qu’aucun pays de l’univers. Je renouvelle encore à Son Altesse mon profond respect.

Il faut que je lui conte qu’un vieux baron de Lorraine, dévot comme un sot, s’est avisé de m’écrire, toutes les postes, pour me convertir. Je lui ai fait répondre que j’étais mort. Il prie Dieu à présent pour le repos de mon âme ; je ris cependant, madame, et je compte envoyer à vos pieds dans deux mois le second tome, qui vous appartient, et qui est un peu moins ennuyeux que le premier. Je ne suis à Colmar que pour cette besogne.


2680. — À M. G.-C. WALTHER.
Colmar, 13 janvier 1754.

J’ai reçu ce matin votre lettre du 23 décembre, avec le paquet de la prétendue Histoire universelle, imprimée chez Jean Néaulme, à la Haye. Il prétend avoir acheté ce manuscrit cinquante louis d’or d’un domestique de monseigneur le prince Charles de Lorraine. C’est un ancien manuscrit très-imparfait que j’avais pris la liberté de donner au roi de Prusse sur la fin de 1739, dans le temps qu’il était prince royal. Cet ouvrage ne méritait pas de lui être offert ; mais comme il s’occupait de toutes les sortes de litté-