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housards[1], m’attirera de votre indulgence un sauf-conduit dans cette guerre. Je prends donc l’extrême liberté de vous adresser cet épouvantable paquet, et j’ose vous supplier d’ordonner qu’on mette à la poste les copies des imprimés que j’ai eu l’honneur de vous envoyer, et qui sont dans ces paquets. Je sens tout l’excès de mon importunité, mais c’est une occasion où je ne puis me défendre ni assez tôt, ni assez fortement. Je vous souhaite, monsieur, une heureuse année, aussi bien qu’à M. de La Reynière. Je conserverai toute ma vie les sentiments de la respectueuse et tendre reconnaissance que je vous dois.


2679. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[2].
À Colmar, le 12 janvier 1754.

Grand Dieu, qui rarement fais naître parmi nous
De grâces, de vertus, cet heureux assemblage,
Quand ce chef-d’œuvre est fait, sois un peu plus jaloux
De conserver un tel ouvrage.
Fais naître en sa faveur un éternel printemps,
Étends tout au plus loin ses belles destinées,
Et raccourcis les jours des sots et des méchants
Pour ajouter à ses années.


Madame, c’est ce que je prenais la liberté de dire à Dieu quand j’ai appris que Votre Altesse sérénissime était dangereusement malade. J’étais aussi inquiet que la grande maîtresse des cœurs[3] ; mais je n’étais pas si agissant, car il y a deux mois que je ne peux sortir de ma chambre. Je suis donc votre aumônier, madame, et Votre Altesse sérénissime se fait lire mes œuvres théologiques quand elle veut s’édifier. Que n’étais-je là pour lui lire quelque plaisant poëme pendant sa convalescence ! Il me semble que j’aurais encore eu la force d’en faire deux ou trois chants pour l’amuser. Mais loin d’elle je n’ai pas le courage d’être gai ; de plus, une cinquantaine d’empereurs dont j’ai écourté les faits et gestes, est une occupation directement contraire à la joie. J’ai eu l’honneur d’envoyer à Votre Altesse sérénissime une douzaine d’exemplaires du premier tome par la voie qu’elle a eu la bonté de me faire indiquer. Je crois qu’ils arriveront peu de temps après ma lettre. Je n’ai pu en faire relier que deux ; le temps pressait. Qu’elle

  1. Voyez la lettre à Walther du 13 janvier 1754.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. Mme  de Buchwald.