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un père, toujours prêt à lui servir. Tout ce qui vous est arrive à Francfort a été fait par ordre du roi. Finalement je souhaite que vous jouissiez toujours d’une prospérité sans pareille, étant avec respect, etc. »

Ceux qui ont vu cette lettre ont été confondus. Tout le monde dit que vous n’avez de parti à prendre que celui que vous prenez d’opposer de la philosophie à des choses si peu philosophes. Le public juge les hommes sans considérer leur état, et vous gagnez votre cause à ce tribunal. Nous faisons très-bien tous deux de nous taire, le public parle assez.

Tout ce que j’ai souffert augmente encore ma tendresse pour vous, et je viendrais vous trouver à Strasbourg ou à Plombières si je pouvais sortir de mon lit, etc.


2640. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.

Madame la comtesse de Lutzelbourg croit donc qu’on peut arriver de Kehl chez elle. Non, madame, il n’y a pas de chemin. Mais il y en aura un aujourd’hui pour me mener chez vous, pour y jouir du repos et du charme de votre conversation. Je compte, madame, venir vous présenter mes respects entre six et sept heures, et j’espère vous trouver en bonne santé. Je me meurs d’envie de vous faire ma cour.


2641. — A. MADAME DE FONTAINE[1].
Près de Strasbourg, 31 auguste 1753.

Dans une botte de lettres qu’on me rapporte, et qui ont voyagé comme moi, j’en trouve une de vous, ma chère paresseuse. Vraiment je vois que dans les occasions vous vous mettez en mouvement. Je suis enchanté de vous. Vous avez été à Versailles, vous vouliez aller à Plombières ; vous écrivez, je ne reconnais plus Lisette. Si votre conseiller du grand conseil vous imite, il deviendra un actif personnage. Il y a une distance bien énorme entre la vie des grues et la vie des poules. Vous êtes d’ordinaire un peu poules, mesdames du Marais ; je ne dis pas poules mouillées ; pour moi, j’ai été un peu grue : j’ai voyagé avec mon long cou, et ne m’en suis pas trop bien trouvé, tandis que vous coquetez vous autres tranquillement dans votre poulailler. Franchement, mon cœur, l’aventure de votre sœur a été bien affreuse : elle s’est vue l’héroïne et le martyr de l’amitié ; mais certainement ceux qui l’on traitée avec cette indignité barbare

  1. Pièces inédites de Voltaire, 1820, page 339.