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qui fis son Panégyrique quand il nous donna la paix ? et lui-même a ce Panégyrique traduit en six langues[1].

Il se peut faire que Sa Majesté prussienne, trompée par mon ennemi et par un mouvement de colère, ait irrité le roi mon maître contre moi ; mais tout cédera à sa justice et à sa grandeur d’âme. Il sera le premier à demander au roi mon maître qu’on me laisse finir mes jours dans ma patrie ; il se souviendra qu’il a été mon disciple, et que je n’emporte rien d’auprès de lui que l’honneur de l’avoir mis en état d’écrire mieux que moi. Il se contentera de cette supériorité, et ne voudra pas se servir de celle que lui donne sa place, pour accabler un étranger qui l’a enseigné quelquefois, qui l’a chéri et respecté toujours. Je ne saurais lui imputer les lettres qui courent contre moi sous son nom ; il est trop grand et trop élevé pour outrager un particulier dans ses lettres ; il sait trop comme un roi doit écrire, et il connaît le prix des bienséances ; il est né surtout pour faire connaître celui de la bonté et de la clémence. C’était le caractère de notre bon roi Henri IV : il était prompt et colère, mais il revenait. L’humeur n’avait chez lui que des moments, et l’humanité l’inspira toute sa vie.

Voilà, ma chère enfant, ce qu’un oncle, ou plutôt ce qu’un père malade dicte pour sa fille. Je serai un peu consolé si vous arrivez en bonne santé. Mes compliments à votre frère et à votre sœur. Adieu ; puissé-je mourir dans vos bras, ignoré des hommes et des rois !


2625. — DE M. *** AU BARON DE FREYTAG[2].
Paris, 12 juillet 1753.

Il s’est répandu ici, monsieur, des bruits si étranges au sujet de l’arrêt de Mme  Denis et de la manière dont elle a été traitée, le tout fondé sur la copie qui court d’une lettre de cette dame, que vous ne pouvez désabuser trop tôt le public pour l’honneur du roi votre maître et pour le vôtre. Vous avez sans doute des correspondants à Paris, et vous connaissez le ministre de Sa Majesté prussienne. Vous avez aussi M. Darget, secrétaire du cabinet de Sa Majesté, qui demeure rue Française, près la Comédie-Italienne. Ils ne sont pas mieux instruits que le reste de Paris, et le bruit général est que le droit des gens a été ouvertement violé à l’égard de Mme  Denis : quant à son oncle, les avis sont partagés.

C’est l’intérêt que je prends à la gloire de Sa Majesté prussienne qui

  1. Il n’y a que quatre traductions ; voyez la note, tome XXIII, page 264.
  2. Éditeur, Varnhagen von Ense.