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2042. — AU PÈRE VIONNET[1].
Paris, le 14 décembre.

J’ai l’honneur, mon révérend Père, de vous marquer ma très-faible reconnaissance d’un fort beau présent[2]. Vos manufactures de Lyon valent mieux que les nôtres ; mais j’offre ce que j’ai. Il me parait que vous êtes un plus grand ennemi de Crébillon que moi. Vous avez fait plus de tort à son Xerxès que je n’en ai fait à sa Sémiramis. Vous et moi nous combattons contre lui. Il y a longtemps que je suis sous les étendards de votre Société. Vous n’avez guère de plus mince soldat, mais aussi il n’y en a point de plus fidèle. Vous augmentez encore en moi cet attachement, par les sentiments particuliers que vous m’inspirez pour vous, et avec lesquels j’ai l’honneur d’être, etc.


2043. — DE LA PRINCESSE ULRIQUE,
princesse royale de suède.
À NOTRE APOLLON.

Je crois qu’il m’est permis de répondre aux vers galants d’un être que vous savez que je crois fort approcher de l’intelligence des anges. Vous autres habitants des cieux, je vous trouve fort dangereux pour les mortelles.


De l’esprit redoutons l’empire ;
D’un amant tel que vous le prestige est trop fort ;
Il séduit l’âme, étonne, et, tandis qu’on admire,
Le cœur est sans défense, et la raison s’endort.
La Vierge même (on nous l’atteste)
Céda contre un esprit céleste.

Je ne sais si l’on peut dire céder contre mais n’importe. Si je ne parle pas français, du moins j’entends fort bien le vôtre, et je vais relire encore Sémiramis. L’instruction que vous donnez à votre cardinal[3] m’a fait grand plaisir.

Je crois que vous avez des relations à Berlin. Si vous y envoyez un paquet, je vous prie de m’en faire avertir ; je ferais tenir, en même temps,

  1. Georges Vionnet, jésuite, né le 31 janvier 1712, à Lyon, où il mourut le 31 décembre 1754. (Cl.)
  2. Vionnet, auteur d’une tragédie de Xerxès imprimée en 1749, venait d’en envoyer un exemplaire à Voltaire, qui lui répondit en lui en adressant un de Sémiramis.
  3. Voyez la Dissertation en tête de Sémiramis, tome IV, page 487.