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2024. — À M. D’ARNAUD.
Ce 14 octobre.

Mon cher enfant, une femme qui a traduit et éclairci Newton, et qui avait fait une traduction de Virgile, sans laisser soupçonner dans la conversation qu’elle avait fait ces prodiges ; une femme qui n’a jamais dit du mal de personne, et qui n’a jamais proféré un mensonge ; une amie attentive et courageuse dans l’amitié ; en un mot, un très-grand homme que les femmes ordinaires ne connaissaient que par ses diamants et le cavagnole, voilà ce que vous ne m’empêcherez pas de pleurer toute ma vie. Je suis fort loin d’aller en Prusse ; je peux à peine sortir de chez moi. Je suis très-touché de votre sensibilité, vous avez un cœur comme il me le faut ; aussi vous pouvez compter que je vous aime bien véritablement. Je vous prie de faire mes compliments à M. Morand[1].

Adieu, mon cher d’Arnaud ; je vous embrasse.


2025. — À M. LE CHEVALIER DE JAUCOURT[2].
15 octobre 1749.

J’arrivai ces jours passés à Paris, mon cher monsieur. J’y trouvai les marques de votre souvenir, et de la honte de votre cœur ; vous devez assurément être au nombre de ceux qui regrettent une personne unique, une femme qui avait traduit Newton et Virgile, et dont le caractère était au-dessus de son génie. Jamais elle n’abandonna un ami, jamais je ne l’ai entendue médire. J’ai vécu vingt ans avec elle dans la même maison. Je n’ai jamais entendu sortir un mensonge de sa bouche. J’espère que vous verrez bientôt son Newton[3]. Elle a fait ce que l’Académie des sciences aurait dû faire. Quiconque pense honorera sa mémoire, et je passerai ma vie à la pleurer. Adieu, je vous embrasse tendrement. V.


2026. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Paris, ce 15 octobre.

Sire, je viens de faire un effort, dans l’état affreux où je suis, pour écrire à M. d’Argens ; j’en ferai bien un autre pour me mettre aux pieds de Votre Majesté.

  1. Voyez tome XXXIV, page 282.
  2. Communiquée par M. Rouard, bibliothécaire de la ville d’Aix. (B.)
  3. Voyez la note, tome XXIII, page 545.