Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/487

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ne pensons point encore à Zulime ; il ne faut pas surcharger le public. Le grand défaut de Zulime est qu’elle sait trop tôt son malheur, et que le fade Ramire est au-dessous de Bajazet. Songeons à présent à donner Rome sauvée avec les changements. Il faudrait que Grandval prît le rôle de Catilina, et que Lekain jouât César : cela donnerait quelques représentations. On aura peut-être besoin de terribles intrigues pour cette nouvelle distribution de charges. On pourra s’aider du crédit de M. de Richelieu dans cette grande affaire. Je vous embrasse tendrement, mon très-cher ange. Pour les comédies, je ne m’en mêlerai pas ; je ne suis qu’un animal tragique. Mes tendres respects à tous vos anges.

Adieu,


Ô et præsidium et dulce decus meum !

(Hor., lib. I, od. i.)

2422. — À M. DARGET.
À Potsdam, dont je ne sors plus, 2 septembre 1752.

Mon cher duc de Foix, une tragédie que vous aviez si bien jouée ne pouvait guère tomber. Vous lui avez porté bonheur. C’était aussi une pièce favorite du roi : voilà de bonnes raisons pour être à l’abri des sifflets. Je voudrais que, de votre côté, vous fussiez sauvé des sondes et des bougies. Mais franchement, il y a de la folie, il y a au moins peu de physique, à prendre des carnosités pour le scorbut. Les sondes et les bougies font enrager ; il est triste de donner cent louis pour faire suppurer sa vessie. Mais, mon cher malade, ces bougies ont un caustique ; ce caustique brûle le petit calus formé au col de la vessie ; ce calus devient ulcère, il suppure ; le temps et le régime ferment la plaie : voilà votre cas. N’allez pas vous fourrer des chimères dans la tête. Vous vous y en êtes mis de plus d’une sorte, et je vous jure que vous vous êtes trompé sur bien des choses comme sur votre vessie. Guérissez, et soyez heureux. On peut l’être à Potsdam, on peut l’être à Paris. Le grand point est de fixer son imagination, et de n’être pas toujours comme un vaisseau sans voile, tournant au gré du vent. Il faut prendre une résolution ferme, et la tenir.


… Si te pulvis strepitusque rotarum,
Si lædit caupona, Ferentinum ire jubebo[1].

  1. Horace, livre I, épître xvii, vers 7-8.