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parler ; point du tout, c’est de Néron[1]. Je suis bien plus flatté, pour l’honneur de l’art, que vous vouliez bien être des nôtres, que je ne suis séduit par un de ces succès passagers dont le public ne rend pas plus raison que de ses caprices.

Honorez notre confrérie de votre nom ; montrez que les Français vont à la gloire par tous les chemins. Il y avait des vers extrêmement beaux dans votre ouvrage[2]. Plus votre génie s’est développé, et plus vous vous êtes senti en état de bâtir une édifice régulier avec les matériaux que vous avez amassés.

Je souhaite me trouver à Paris quand vous gratifierez le public de votre tragédie. Vous me ferez oublier les cabales des gens de lettres, et la persécution des fanatiques. Les sottises qu’on a faites à Paris, depuis un an ou deux, ont tellement décrié la nation dans l’Europe qu’elle a besoin que les beaux-arts réhabilitent ce que les billets de confession, et cent autres impertinences de cette nature, ont avili. Je me flatte que vous y contribuerez, et que, si l’on siffle la Sorbonne, vous rendrez le Théâtre-Français respectable.

Permettez-moi de présenter mes respects à madame la marquise et à vos amis.


2421. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Potsdam, le 1er septembre.

Mon cher ange, puisqu’il faut toujours de l’amour, je leur en ai donné une bonne dose avec ma barbe grise. J’en suis honteux ; mais j’avais ce reste de confitures, et je l’ai abandonné aux enfants de Paris. Je suis saisi d’horreur de voir que vous n’avez point reçu ma réponse à la lettre où vous me recommandiez le chevalier de Mouhy. Cette réponse[3], avec un petit billet pour ce Mouhy, étaient dans un paquet adressé à Mme Denis, et le paquet était sous le couvert d’un homme plus opulent que vous, nommé Thiroux de Mauregard, fermier général des postes, ami, je ne sais comment, de ma nièce. Quand je l’appelle opulent, ce n’est pas qu’il ait huit cent mille livres de rente comme son confrère

  1. Ximenès avait envoyé à Voltaire un manuscrit de son Épicharis, tragédie qui fut jouée sur le Théâtre-Français, le 2 janvier 1753, dont un fragment est imprimé dans le Choix de poésies d’Augustin Ximenès, 1807, in-8°.
  2. Les honneurs accordés par Louis XIV au mérite militaire, augmentés par Louis XV ; sujet donné par l’Académie française pour le prix de l’année 1752.
  3. C’est la lettre 2405.