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Mille remerciements, je vous en prie, à M. de Chauvelin[1], des bons avis qu’il m’a donnés pour la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV ; mais je vous demande très-humblement pardon sur la Dîme royale[2] et chimérique du maréchal de Vauban : elle n’est bonne que pour les curés dont parle M. de Chauvelin. Pourquoi ? c’est que M. le curé peut faire aisément ramasser par sa servante les dîmes de blé et de pommes qu’on lui doit, et il boit son vin tranquillement avec sa nièce ; mais il faudrait que le roi eût des décimeurs à gages dans chaque village, qu’il fît bâtir des greniers dans chaque élection, et qu’ensuite il vendît son grain et son vin. Il serait volé deux ou trois fois avant d’avoir vendu une mesure, et ressemblerait au diable de Papefîguière[3], dont on se moqua quand il alla vendre ses feuilles de rave au marché. Proposez à M. de Chauvelin cette petite difficulté.

Adieu ; vous n’en aurez pas davantage de moi aujourd’hui.


2408. — À M. LE MARQUIS D’ARGENS.

En vous remerciant, cher frère ; j’aime votre exactitude, et je vous suis sensiblement obligé de vos secours. Je ne hais point du tout l’écuyer Coypel[4], mais il ne me paraît pas un Raphaël. Les petites brochures où il a été loué ne peuvent faire sa réputation, et votre livre[5] contribuera à la réputation des bons artistes. Au reste, j’aurais été bien fâché d’acheter un tableau sur la parole de l’abbé Dubos. Il ne s’y connaissait point du tout, non plus qu’en musique et en poésie ; mais il réfléchissait beaucoup sur tout ce qu’il avait lu et entendu dire, et il a trouvé le secret de faire un livre[6] très-utile, où il n’y a de mauvais que ce qui est uniquement de lui.

Mon cher Isaac, je crois que je prendrai incessamment le parti que vous me proposez. En attendant, j’applaudis au digne homme[7] qui aime mieux ennuyer son prochain que le pervertir. Je crois qu’il y réussit. Pour vous, vous vous bornez à plaire. Chacun fait son métier ; le mien est de vous aimer tant que je vivrai.

  1. L’abbé de Chauvelin.
  2. Voyez tome XXI, page 328.
  3. Rabelais, Pantagruel, IV, 46 et 47 ; et Contes de La Fontaine, livre IV.
  4. Ch.-Ant. Coypel, que Voltaire appelle le petit Coypel.
  5. Réflexions critiques sur les différentes écoles de peinture ; 1750, in-12.
  6. Réflexions critiques sur la poésie, la peinture, et la musique.
  7. C’était peut-être Formey.