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pour lui ravir, à lui Maupertuis, la gloire d’avoir inventé une bévue. Sur ce beau fondement il fait assembler les académiciens pensionnaires dont il distribue les gages ; il accuse formellement Kœnig d’être un faussaire, et fait passer un jugement contre lui, sans que personne opine, et malgré les oppositions du seul géomètre qui fût à cette assemblée.

Il fit encore mieux : il ne se trouva pas au jugement ; mais il écrivit une lettre à l’Académie pour demander la grâce du coupable, qui était à la Haye, et qui, ne pouvant être pendu à Berlin, fut seulement déclaré faussaire et fripon géomètre, avec toute la modération imaginable.

Ce beau jugement est imprimé. Voici maintenant le comble : notre modéré président écrit deux lettres à Mme la princesse d’Orange, dont Kœnig est le bibliothécaire, pour la prier de lui imposer silence, et pour ravir à son ennemi, condamné et flétri, la permission de défendre son honneur.

Je n’ai appris que d’hier tous ces détails dans ma solitude. On ne laisse pas de voir des choses nouvelles sous le soleil : on n’avait point encore vu de procès criminel dans une académie des sciences. C’est une vérité démontrée qu’il faut s’enfuir de ce pays-ci. Je mets ordre tout doucement à mes affaires. Je vous embrasse très-tendrement.


2399. — À M. DARGET.
À Potsdam, 25 juillet 1752.

Je vous plains, et je vous félicite, mon cher Darget ; il est bien cruel d’avoir une sonde dans l’urètre, mais il est consolant d’être sûr de guérir. Per quæ quis peccat, per hæc et punietur[1]. Mais votre pénitence va bientôt finir. Si je voulais, je me ferais valoir pour avoir toujours soutenu, contre vos médecins, que vous n’aviez point le scorbut ; mais il est si aisé d’avoir raison contre ces messieurs qu’il n’y a pas là de quoi se vanter. Vous deviez d’ailleurs être consolé par la lettre que le roi vous a écrite de sa main[2], et vous le serez encore davantage quand vous reviendrez dans notre monastère guerrier : vous y retrouverez les mêmes bontés

  1. Voyez une des notes sur la lettre 2358.
  2. La lettre de Frédéric à Darget, du 6 juillet 1752, se termine ainsi : « Trémoussez-vous beaucoup, prenez peu de drogues, et choisissez la Pâris plutôt que Vernage et Astruc pour votre médecin, Arlequin pour votre apothicaire, et Scaramouche pour votre baigneur. » Il est question de la Pâris dans une note de la lettre 2085.