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dont on ambitionne les suffrages, joue un beau rôle ; elle es bien dégradée quand elle se fait auteur comique et qu’elle ne réussit pas. Un grand succès me comblerait de la plus grande joie : il me ferait cent fois plus de plaisir que celui de Mérope. Un succès ordinaire me consolerait, un mauvais me mettrait au désespoir.

Nous parlerons une autrefois de Rome sauvée, d’Adélaïde, de Zulime ; c’est à présent la Coquette punie qui va me donner des battements de cœur. Que faites-vous cet été, mes chers anges ? j’ai peur qu’il n’y ait quelque voyage de Lyon, Je voudrais que vous vous bornassiez à celui du bois de Boulogne, et y causer avec vous ; mais il faut la permission de Louis XIV. J’ai deux grands rois qui me retiennent ; je ne peux à présent abandonner ni l’un ni l’autre. Je sens quel crime je commets contre l’amitié, en vous préférant deux rois ; mais quand on s’est imposé des devoirs, on est forcé de les remplir. J’espère vous embrasser avant la fin de l’année, et je vous aimerai bien tendrement toute ma vie. Mes respects à tous les anges.


2374. — À M. FORMEY.
Potsdam.

J’attendrai ici, monsieur, où je me trouve très-bien, les ouvrages sublimes[1] que vous voulez bien m’annoncer. Ce ne sont pas là des ouvrages de plagiat, comme la Henriade, Alzire, Brutus, et Catilina. Je ne doute pas qu’on ne prodigue dans les journaux pleins d’impartialité et de goût les plus justes éloges à ces divins recueils qui passeront à la dernière postérité.

Je ne sais ce que c’est que cette Histoire des progrès ou de la décadence, ou de l’impertinence de l’esprit humain. J’avais, pour mon instruction particulière, fait une Histoire universelle depuis Charlemagne ; on en a imprimé des fragments dans des feuilles hebdomadaires ou dans des Mercures ; on m’a volé tout ce qui regarde les arts et les sciences, et la partie historique depuis François Ier jusqu’au siècle de Louis XIV, qui terminait ce tableau ; c’est tout ce que je sais. Il y a deux ans que mon manuscrit est volé. Si vous avez quelque nouvelle de cet ouvrage, que vous dites annoncé depuis peu, vous me ferez plaisir, monsieur, de m’en instruire, et je prendrai les mesures que je pourrai pour rattraper mon manuscrit, si cependant cela en vaut la peine.

  1. Formey avait annoncé à Voltaire avoir reçu pour lui, de la part de. Moncrif, un exemplaire de ses Œuvres, 1751, trois volumes in-12.