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qui rend la vie si douce ; revenez dans le séjour du repos et de la philosophie.


Omitte mirari bratæ[1]
Famum et opes strepitumque Romæ.


Revenez dans la belle retraite où un roi, d’une humeur toujours égale, rend tous nos moments égaux ; revenez voir les orangers de Sans-Souci ; il me semble qu’il n’y en a point aux Tuileries. Il est vrai que vous y verrez plus de femmes : voilà ce que vous aimez, traître, avec votre vessie. Eh bien, ramenez-nous-en une. Venez établir une Mme  Darget à Potsdam, chez laquelle nos philosophes se rassembleront ; qui aura bien soin de vous, qui tiendra votre ménage, qui… cela sera charmant : vous serez égayé tout le long du jour, car


L’uom senza moglie a lato
Non puote in bontade esser perfetto.


Vous allez cependant préparer vos armes à Paris ; vous allez tâter de tous les plaisirs, et moi, je vous attends dans mon petit appartement avec de la prose et des vers, qui me tiennent lieu de femme. J’ai fait vos compliments au marquis, qui se plaint de ses c… comme vous de votre vessie : Per quæ quis peccat, per hæc et punietur[2]. Je les ai faits au comte Algarotti, qui est venu célébrer la Pâque dans notre couvent, et qui attend le dépucellement de Mme  la princesse de Hesse, pour aller demander la bénédiction à mon bon patron le saint-père. Ils vous font tous les plus tendres remerciements : ce n’est pas le saint-père que je veux dire, c’est Algarotti et d’Argens. Pour Fredersdoff, je n’ai pu encore m’acquitter de ma commission, je n’ai pu l’attraper depuis votre départ. Adieu, mon cher ami, vive memor nostri : portez-vous bien. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.

Je connais Klinglin et son affaire, j’en augure mal : il a de puissants ennemis ;


Il était trop puissant pour n’être point haï[3].


La fuite de son secrétaire est un mauvais signe.

  1. Horace, livre III, ode xxix, 11-12.
  2. Il y a dans la Sagesse, chapitre xi, verset 17 : « Quia per quæ peccat quis, per hæc et torquetur. »
  3. Vers d’Œdipe, I, iii.