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De tous vos livres, tant de votre bibliothèque que d’ailleurs, je n’en ai soustrait aucun ; j’avais seulement porté chez Lafond un manuscrit contenant un recueil de lettres du roi de Prusse, que nous lisions ensemble, dont on n’a point tiré de copie, ni fait aucun usage, et qui a été remis à madame votre nièce après la visite qu’on a faite chez lui et chez moi ; de même qu’un livre intitulé le Voltairiana, qui s’est trouvé chez moi avec une copie informe de Rome sauvée. Tout cela est exactement vrai.

À l’égard du manuscrit in-folio dont vous parlez, épais de trois doigts, écrit de votre main, et qui est une suite de votre histoire générale, je n’en ai jamais connu d’autres que celui que je vous ai envoyé par le canal de M. le comte de Raesfeld ; mais celui-là n’est point écrit de votre main. Il se trouve encore un manuscrit dans votre bibliothèque de Paris, où il n’y a que peu de pages écrites par vous-même ; et c’est aussi une suite de la même histoire. Voilà tout ce que j’ai jamais vu chez vous sur ce sujet, hors les deux volumes in-quarto que vous m’avez donnés à transcrire à votre départ. Croyez que cet article est encore la pure vérité.

Quant aux lettres de Mme  la marquise du Châtelet et autres manuscrits de sa main, je n’en ai jamais eu ni originaux ni copies. Il est vrai qu’au premier voyage que j’ai fait en Lorraine avec vous, et étant pour lors à Cirey, je trouvai un jour sa femme de chambre (c’était la nommée Chevalier) qui lisait dans un manuscrit intitulé Æmiliana, et qui m’en fit lire plusieurs pages en différentes fois ; de même que dans deux autres livres manuscrits contenant une collection de lettres de différentes personnes ; mais ces mêmes manuscrits n’ont pu sortir des mains de Mme  du Châtelet qu’à sa mort ; elle les avait toujours avec elle dans sa cassette.

Je puis, monsieur, vous assurer avec vérité que Mme  Lafond ni son mari[1] ne les ont point ; je leur dois rendre cette justice malgré mes griefs contre eux. J’ai été assez dans leur confidence pour qu’ils ne m’en aient pas fait mystère. C’est moi-même qui ai fait généralement toutes les malles, paquets et ballots, en partant de Luneville, et je n’y ai aperçu aucun vestige de ces volumes. Il est pourtant certain que Mme  la marquise du Châtelet les avait à Luneville : je les y ai vus et tenus, de même que l’histoire de sa vie, qu’elle avait poussée jusqu’au jour qu’elle est tombée malade. Il n’est pas douteux que Mme  du Châtelet n’en ait disposé de son vivant. Je n’ai jamais soupçonné que Mlle  Thil[2] à qui elle ait pu les confier, de même qu’elle a fait pour sa traduction de Newton. Si cette demoiselle ne les a pas, peut-être sont-ils chez M. de Saint-Lambert ; mais il n’y a pas d’apparence : ce qui me le fait croire ainsi, c’est que je lui ai remis un paquet le jour de la mort de Mme  du Châtelet, qu’elle avait recommandé à Mme  Lafond de lui remettre, en cas qu’elle vint à mourir. Ce paquet n’était pas considérable, et ne pouvait contenir aucun ouvrage étendu, mais plutôt quelques lettres qu’on avait roulées ensemble et cachetées, avec cette adresse : Pour remettre à M. de Sainl-Lambert, après ma mort ; et au-dessous, la date de deux jours auparavant.

  1. Ces deux personnes étaient au service de Mme  du Châtelet.
  2. Autre personne qui avait aussi été attachée à Mme  du Châtelet.