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une chose assez singulière que l’abbé Metastasio soit à Vienne, M. Algarotti à Potsdam.


Permettez que César ne parle point de lui.

(Rome sauvée, acte V, scène iii.)

Mais enfin cela est plaisant. Notre vie est ici bien douce ; elle le serait encore davantage si Maupertuis avait voulu. L’envie de plaire n’entre pas dans ses mesures géométriques, et les agréments de la société ne sont pas des problèmes qu’il aime à résoudre. Heureusement le roi n’est pas géomètre, et M. Algarotti ne l’est qu’autant qu’il faut pour joindre la solidité aux grâces. Nous travaillons chacun de notre côté, nous nous rassemblons le soir. Le roi daigne d’ailleurs avoir pour ma mauvaise santé une indulgence à laquelle je crois devoir la vie. J’ai toutes les commodités dont je peux jouir dans le palais d’un grand roi, sans aucun des désagréments ni même des devoirs d’une cour. Figurez-vous la vie de château, la vie de campagne la plus libre. J’ai tout mon temps à moi, et je peux faire tant de Siècles qu’il me plaît.

C’est dans cette retraite charmante, madame, que je vous regrette tous les jours. C’est de là que je volerai pour venir vous dire que je préfère votre société aux rois, et même aux rois philosophes. Je ne dis rien aux autres anges. J’ai écrit à M. d’Argental et à M. le comte de Choiseul ; j’ai dit des injures à M. le coadjuteur de Chauvelin. Je vous supplie de permettre que M. de Pont-de-Veyle trouve ici les assurances de mon inviolable attachement. Conservez votre santé, conservez-moi vos bontés, comptez à jamais sur ma passion respectueuse.


2348. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
Potsdam, ce 14 mars.

Me trouvant un peu indisposé, monsieur, au départ de la poste, je suis privé de la satisfaction de vous écrire de ma main ; mais, quoique le caractère soit étranger, vous reconnaîtrez aisément les sentiments de mon cœur et ma tendre reconnaissance pour toutes vos bontés. Je ne sais pas trop si le cardinal de Fleury, les malheurs de la Bohême, ceux du piince Edouard, Fontenoy, Berg-op-Zoom, Gênes, et l’amiral Anson[1], me laisse-

  1. Allusion aux principaux morceaux de l’Histoire de la guerre de 1741, insérés plus tard dans le Précis du Siècle de Louis XV.