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à vos vertus. Vous n’ignorez pas que mon cœur est fait pour être sensible avec persévérance, que j’ai vécu vingt ans avec la même personne[1], que mes amis sont des amis de plus de quarante années[2], que je n’en ai perdu que par la mort, et que ma passion pour vous vous a fait le maître de ma destinée.


2336. — DE MADAME LA DUCHESSE DE BRUNSWICK[3].
Brunswick, ce 20 février.

J’ai reçu, monsieur, avec toute la satisfaction possible, le Siècle de Louis XIV, qu’il vous a plu de m’envoyer. Je vous assure que je le lirai avec toute l’attention et le plaisir que méritent vos ouvrages. Ce sera ensuite l’ornement le plus distingué de ma bibliothèque, accompagné de toutes vos productions, qui vous rendent si célèbre et immortel. Je serais charmée si la situation de votre santé se rétablit au point que je puisse espérer que vous ne me flattez pas vainement, et que vous me procurerez l’agrément de vous voir cet été ici. Je vous attends pour vous remercier de bouche comme par écrit de votre obligeante attention, et pour vous marquer combien je suis votre affectionnée


Charlotte[4].

2337. — À M. DE FORMONT.
À Berlin, le 25 février.

Je suis à peu près, monsieur[5], comme Mme du Deffant ; je ne peux guère écrire, mais je dicte avec une grande consolation les expressions de ma reconnaissance pour votre souvenir. Comptez que vous et Mme du Deffant vous êtes au premier rang des personnes que je regrette, comme de celles dont le suffrage m’est le plus précieux. Je vous aurais déjà envoyé le Siècle de Louis XIV,

  1. Voltaire vécut environ seize ans avec Mme du Châtelet.
  2. D’Argental, Cideville, d’Olivet, les d’Argenson, etc.
  3. Philippine-Charlotte, née en 1716, l’une des sœurs du grand Frédéric.
  4. Dans le catalogue des autographes vendus le 17 avril 1880, figure une lettre du comte d’Argental, datée « du champ de bataille, ce jeudi 24, à huit heures du soir (février 1752) », ainsi désignée :

    « Lettre des plus curieuses, écrite au moment de la représentation de Rome sauvée : « Nous venons, mon cher ami, de remporter une victoire complète. La cabale, les Crébillons, les envieux, sont défaits. Vos chefs ont combattu admirablement. Cicéron a été surtout supérieur dans les deux derniers actes. César n’a pas dit un mot où il n’ait eu un applaudissement… C’est un des plus grands succès qu’il y ait jamais eu… »

  5. La dernière lettre de Voltaire à Formont était du 10 août 1741, et sur un tout autre ton. La liaison de Formont avec Mme du Deffanr fut peut-être la cause du refroidissement entre les deux amis. (B.)