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taire est très-scandalisé. Il lui fait jouer un plaisant rôle dans son poëme du Palladium, et le poëme est imprimé. Il y en a, à la vérité, peu d’exemplaires.

Que voulez-vous que je vous dise ? Il faut se consoler, s’il est vrai que les grands aiment les petits, dont ils se moquent ; mais aussi, s’ils s’en moquent et ne les aiment point, que faire ? Se moquer d’eux à son tour tout doucement, et les quitter de même. Il me faudra un peu de temps pour retirer les fonds que j’avais fait venir dans ce pays-ci. Ce temps sera consacré à la patience et au travail ; le reste de ma vie doit vous l’être.

Je suis très-aise du retour du frère Isaac d’Argens. Il a d’abord été un peu ébouriffé, mais il s’est remis au ton de l’orchestre. Je l’ai rapatrié avec Algarotti. Nous vivons comme frères ; ils viennent dans ma chambre, dont je ne sors guère ; de là nous allons souper chez le roi, et quelquefois assez gaiement. Celui qui tombait du haut d’un clocher, et qui, se trouvant fort mollement dans l’air, disait : Bon, pourvu que cela dure, me ressemblait assez.

Bonsoir, ma très-chère plénipotentiaire ; j’ai grande envie de tomber à Paris, dans ma maison.


2302. — À M. FORMEY.

Voici, monsieur, l’Éloge[1] d’un grand homme qui portait des jupes. Si Mme du Châtelet vivait encore, je ne serais pas ici.

Je me flatte que nous nous porterons mieux l’un et l’autre ; je trouverai dans votre société de nouvelles consolations, comme de nouvelles lumières. Pardonnez-moi les blasphèmes que vous trouverez sur la métaphysique. Vous êtes tolérant ; souffrez les libertés de l’Église gallicane. Vale.


2303. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Potsdam, le 13 novembre.

Ce La Mettrie, cet homme-machine, ce jeune médecin, cette vigoureuse santé, cette folle imagination, tout cela vient de mourir[2] pour avoir mangé, par vanité, tout un pâté de faisan aux truffes. Voilà, mon héros, une de nos farces achevée. La Mettrie

  1. l’Éloge historique de Mme du Châtelet ; voyez tome XXIII, page 515.
  2. Le 11 novembre.