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Sire, il faut, sauf respect, que vous et moi, pardon du vous et du moi, nous ne fassions que du bon, ou que nous mourions à la peine. Je n’enverrai Rome à ma virtuose de nièce que quand Mars-Apollon sera content. Je me mets à ses pieds.


2266. — À MADAME DENIS.
À Potsdam, le 24 août.

Vous recevrez, ma chère plénipotentiaire, le paquet ci-joint par un héros danois, russe, polonais, et français. Je crois que ce sera le premier guerrier du Nord qui aura porté une liasse de vers alexandrins de Berlin à Paris. Je ne crois pas, quoi qu’on en dise, que M. le maréchal de Lowendahl soit chargé d’autres négociations. Il est venu en Allemagne pour ses affaires, et, en qualité de preneur de Berg-op-Zoom, il est venu voir le preneur de la Silésie. Le roi lui montrera ses soldats, et ne lui montrera point ses ouvrages, qu’il fait imprimer. Vous prenez mal votre temps pour me faire des reproches. Il faudrait avoir plus de pitié des étrangers et des malades. Je perds ici les dents et les yeux. Je reviendrai à Paris, aveugle comme Lamotte ; et messieurs les écumeurs littéraires n’en seront pas moins déchaînés contre moi.

Ma santé dépérit tous les jours ; l’abbé de Bernis ne me louera jamais d’être devenu vieux, comme il vient de louer[1] Fontenelle d’avoir su parvenir à l’âge de quatre-vingt-seize ans ; je suis plus près d’une épitaphe que de pareils éloges.

Puisque le parlement fait actuellement si grand bruit pour un hôpital[2], et qu’il ne se mêle plus que des malades, j’ai envie de me venir mettre sous sa protection. Soyez bien sûre que je serais à Paris sans les imprimeurs de Berlin, qui ne me servent pas si vite que le roi. Je supporte Maupertuis, n’ayant pu l’adoucir. Dans quel pays ne trouve-t-on pas des hommes insociables avec qui il faut vivre ? Il n’a jamais pu me pardonner que le roi lui ait ordonné de mettre l’abbé Raynal de son Académie. Qu’il y a de différence entre être philosophe et parler de philosophie ! Quand il eut bien mis le trouble dans l’Académie des sciences de Paris, et qu’il s’y fut fait détester, il se mit en tête d’aller gouverner celle

  1. Voyez, dans les Œuvres de Bernis, son Èpitre à Fontenelle.
  2. Voyez tome XV, page 378 ; et XVI, 80.