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je n’ai jamais tant souffert. Je vous supplie de dire à Sa Majesté que je vais penser à son cinquième chant et à ma santé. Je serai privé aujourd’hui de l’honneur et du plaisir de l’entendre, mais j’aurai celui de le lire. Mes entrailles font leurs très-humbles compliments à votre cul et à votre vessie, et mon cœur aime tendrement le vôtre.


2214. — À M. LE MARQUIS DE XIMEMÈS[1].
À Potsdam, ce 13 mars.

J’espère, monsieur, que je lirai l’ouvrage que vous voulez bien me confier, avec autant de plaisir que je l’attends avec impatience. Vous savez combien je m’intéresse à l’honneur que vous voulez faire aux lettres. Je conserve précieusement votre poëme[2], qui méritait le prix ; c’est le sort des Ximenès[3] d’être vengés de l’Académie par le public. Ma santé a été bien mauvaise depuis trois mois ; mais les bontés extrêmes du grand homme auprès de qui j’ai l’honneur d’être m’ont bien consolé. Elles me consolent tous les jours des bruits ridicules de Paris. En vérité, il faut remonter jusqu’aux beaux temps de la Grèce pour trouver un prince victorieux qui fasse un tel usage de son loisir, et qui daigne avoir pour un particulier étranger des attentions si distinguées. Il faut me pardonner de n’avoir pu le quitter ; il ne m’empêche pas de regretter mes amis, mais il me rend excusable auprès d’eux. Permettez-moi, monsieur, de présenter mes respects à madame votre mère, et recevez les miens.


2215. — À M. DARGET.
1751.

Mon cher ami, j’arrivai hier chez moi comme vous en sortiez, et le mauvais temps m’empêcha d’aller chez vous. Mon sorcier de cocher prétend qu’il est assez sorcier pour faire reprendre mes chevaux qui, dit-il, ne valent pas vingt écus, et pour m’en acheter de bons ; mais il dit qu’il ne peut rien faire sans

  1. Augustin-Louis, marquis de Ximenès, né le 26 février 1726, était à la bataille de Fontenoy en 1715, et mourut le 1er juin 1817.
  2. Il était intitulé Les lettres ont autant contribué à la gloire de Louis XIV qu’il avait contribué à leurs progrès, et n’eut pas le prix. Voltaire le fit imprimer, en 1773, à la suite des Lois de Minos (voyez tome VII), dans un volume qui contient d’autres écrits, presque tous de Voltaire.
  3. Voltaire écrivait Chimène le nom de Ximenès, et fait ici allusion à Chimène du Cid ; voyez aussi la lettre 2249.