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Je lui ai écrit une lettre comme un disciple de la reine de Saba l’aurait écrite ; car elle est pleine de pourquoi ? Je lui demandais, comme à Salomon, les raisons de la petite malignité du cœur humain qui se glisse jusque dans le séjour de la paix. Pour moi, mon cher enfant, je pardonne tout, j’oublie tout, et je ne songe qu’à souffrir avec patience, et à travailler avec constance. L’étude est la seconde des consolations, l’amitié est la première. Je vous prie de dire à M. le comte de Podewils l’Autrichien que je suis très-podevilien ; il y a longtemps que je lui suis tendrement dévoué. Adieu, mon cher ami ; dites au docteur que je suis toujours à lui.

P. S. Je rouvre ma lettre pour vous dire ce qui s’est passé après la condamnation du juif : car il faut instruire son ami de tout. J’ai voulu tout finir généreusement, et prévenir la prisée juridique des diamants, qui prendra du temps, et qui retardera le bonheur de me jeter aux pieds du roi. M. le comte de Rottemhourg sait tout ce que je sacrifiais pour la paix, qui est préférable à des diamants. J’ignore par qui le juif est conseillé ; mais il est plus absurde que jamais. On lui a fait entendre qu’il devait s’adresser au roi, et que le roi casserait lui-même l’arrêt donné par son grand chancelier. Concevez-vous cet excès ? Adieu, mon cher ami ; on ne peut terminer cette affaire que par la plus exacte justice, conformément à l’arrêt rendu ; la discussion tiendra un peu de temps : c’est un malheur qu’il faut encore essuyer. Il faudra encore quinze jours pour accomplir toute justice. Mon Dieu, que j’ai d’envie de vous embrasser !


2184. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
À Berlin, ce 5 février.

Je reçois à la fois vos deux lettres, mon cher duc d’Alençon. Vous ignorez peut-être qu’il a plu à la divine Providence de me faire deux niches : l’une par le moyen d’un échappé[1] de l’Ancien Testament, qui a voulu me voler à Berlin cinquante mille livres, et l’autre, par un échappé du Système, nommé André[2], qui s’est avisé de faire saisir tout mon bien, à Paris, pour une prétendue dette de billets de banque qu’il a la mauvaise foi et l’impudence

  1. Le juif Hirschell, nommé dans la lettre 2167.
  2. Cet André, dont il est encore question dans la lettre 2198, est peut-être celui pour lequel Voltaire avait fait, vers 1725, un Divertissement à l’occasion d’une fête donnée à Mme  de Villars ; voyez tome IX, page 367.