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j’espère le suivre bientôt. Comptez qu’il m’a été absolument impossible d’avancer mon voyage, et que, quand je vous parlerai, vous ne me condamnerez sur rien.


2155. — À MADAME LA DUCHESSE DU MAINE.
Potsdam, ce 8 décembre.

Madame, au lieu des ambassadeurs gaulois, que j’ai retranchés de Rome sauvée, en voici un qui m’est témoin que je porte toujours à la cour du roi son maître les chaînes de Votre Altesse sérénissime, et qui vous répondra de ma fidélité, quoique j’aie l’air d’être inconstant. Il peut dire si Votre Altesse sérénissime a ici des adorateurs, et si elle n’est pas de ces divinités qui ont des temples chez toutes les nations. M. d’Hamon, chambellan de Sa Majesté le roi de Prusse, et son envoyé extraordinaire en France, aura l’honneur de vous adresser son encens de plus près que moi ; mais je me flatte de le suivre bientôt. J’ai cru, madame, que mes hommages en seraient mieux reçus, s’ils vous étaient présentés par des mains qui vont resserrer encore les liens de l’amitié de deux grands rois. Il n’y avait au monde que Frédéric le Grand qui pût m’enlever à la cour de Mme la duchesse du Maine ; mais tous les héros passés et présents ne diminueront jamais rien de mon admiration et de l’attachement que je lui ai voué pour toute ma vie. Les grands hommes me rappelleraient sans cesse son idée, si elle pouvait s’effacer jamais de mon cœur.

Je suis avec le plus profond respect, madame, etc.


2156. — À MADAME LA MARGRAVE DE BAIREUTH[1].
À Potsdam, ce 9 décembre (1750.)

Madame, les grandes passions mènent bien loin, et j’aurais eu l’honneur de suivre à Baireuth la digne sœur d’un héros, si l’avantage de vivre auprès de ce héros ne m’avait retenu encore à ses pieds. Votre Altesse royale sait que je devais partir pour la France le 15 décembre ; mais peut-on avoir d’autre patrie que celle de Frédéric le Grand ? On n’y a qu’un seul chagrin : c’est de n’y plus voir Votre Altesse royale. On est consolé au moins par les nouvelles qu’on a de votre santé. On dit qu’elle se raffermit,

  1. Revue française, 1er février 1860 ; tome XIII. page 199.